Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Jean 13, 1-15 Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris |
Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. C’est dans la perspective de la Passion, de la mort sur la Croix et de la Résurrection qu’il nous faut considérer les événements de la dernière Cène qui sont prophétiques de ce qui va suivre. À cet effet, je vous partage un extrait du livre Symboles bibliques, langage universel, Girard, Marc, Mediaspaul, Montréal, 2016, p. 1385-1386 :
Le lavement des pieds au soir du premier Jeudi saint, atteint en plus, les proportions d’une véritable action prophétique et symbolique. En poussant à la limite le signe du service (geste significatif), en l’inscrivant dans une dynamique de purification totale liée à l’eau emprisonnée dans un bassin (geste symbolique), Jésus anticipe et rend déjà présent symboliquement le grand geste du mystère pascal. En cela, l’action symbolique de Jn 13 (tradition johannique) recoupe parfaitement celle du dernier repas (tradition synoptique). L’immersion des pieds dans l’eau, c’est-à-dire, symboliquement, du corps tout entier et de la personne dans son intégralité, s’ouvre à un sens encore plus profond : la plongée dans la mort pour en ressortir vivant ; on retrouve ici le pied comme symbole de la vie qui continue. À y regarder de près, au moins six indices, dans le récit, démontrent que le geste de Jésus est tout orienté vers le mystère pascal. 1- Il « se lève debout » (13,4a), comme on l’élèvera le lendemain sur la croix. 2- Il « quitte ses vêtements » (13,4 b), en attendant d’en être dépouillé par les soldats. 3- Il « s’attache » (13,4 c) avant même qu’on ne le fixe à la croix. 4- Il « verse de l’eau et commence à laver » (13,5), en prévision de l’eau purifiante qui coulera du haut de la croix. 5- « Il reprend ses vêtements » (13,12a), comme pour préfigurer l’enveloppement dans un suaire et puis la résurrection. 6- Enfin, « il se remet à table » (13,12 b), ainsi qu’il le fera quand il apparaîtra à ses disciples dans le cadre d’un repas. Pour vivre rituellement et prophétiquement le drame de sa mort-résurrection une vingtaine d’heures avant de commencer à le vivre à l’intérieur du temps astral et historique, il peut paraître étrange que Jésus plonge dans l’eau non pas ses propres pieds mais ceux de ses disciples. Au contraire ! Il dévoile par là son dessein de les associer intimement à sa Pâque, eux qui tous, si du moins on se fie à l’hagiographie courante, passeront par le martyre pour en venir à « siéger sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël ». De là le mot adressé à Pierre : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Somme toute, on en reste à une lecture beaucoup trop superficielle de la scène si on s’en tient à une leçon éthique de service fraternel, dans la ligne de la parénèse des v. 12-17, tout probablement attribuable à l’évangéliste plutôt qu’à Jésus lui-même. L’action symbolique du lavement des pieds en appelle à une éthique du don de soi qui peut aller jusqu’à la mort.
Le sens que Marc Girard donne à l’épisode du lavement des pieds, la plongée dans la mort pour en ressortir vivant est conforme à l’interprétation du baptême que Paul donne du Baptême : « Dans le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Vous étiez des morts, parce que vous aviez commis des fautes et n’aviez pas reçu de circoncision dans votre chair. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné toutes nos fautes » (Col 2, 12-13). En outre, le texte de Paul recoupe l’autre interprétation donnée au lavement des pieds, qui est le pardon des péchés et l’associe, du coup, au sacrement de Réconciliation. Le Baptême quant à lui, a été associé directement par Jésus lui-même au mystère Pascal : « Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Lc 12, 50), l’angoisse de Gethsémani.
Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? (Lc 10, 25)
On n’épuisera jamais le sens de la Parole de Dieu parce que Celui de qui elle tire son origine est Infini. Je médite la Parole, même celle maintes fois entendue, avec ouverture d’esprit, pour en découvrir les trésors cachés jusque là à mon esprit.
Aujourd’hui, je médite la scène du lavement des pieds avec le sens proposé par Marc Girard : une invitation de Jésus à le suivre dans le don total de soi-même qui peut aller jusqu’à donner sa vie par amour de Dieu et du prochain. Ce don total de soi commence par le renoncement à nos propres vues pour adopter celles de Dieu ainsi que Jésus invite Pierre à le faire, lui qui ne voulait pas se laisser laver les pieds par le Seigneur : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »