Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Joseph vendu par ses frères
Jacob aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu'il était le fils de sa vieillesse, et il lui fit faire une tunique de grand prix. En voyant qu'il leur préférait Joseph, ses autres fils se mirent à détester celui-ci, et ils ne pouvaient plus lui dire que des paroles hostiles. Ils étaient allés à Sichem faire paître le troupeau de leur père. Celui-ci dit à Joseph : « Tes frères gardent le troupeau à Sichem : je vais t'envoyer là-bas. » Ils l'aperçurent de loin et, avant qu'il arrive près d'eux, ils complotèrent de le faire mourir. Ils se dirent l'un à l'autre : « Voilà l'homme aux songes qui arrive ! C'est le moment, allons-y, tuons-le, et jetons-le dans une de ces citernes. Nous raconterons qu'une bête féroce l'a dévoré, et on verra ce que voulaient dire ses songes ! » Mais Roubène les entendit, et voulut le sauver de leurs mains. Il leur dit : « Ne touchons pas à sa vie. » Et il ajouta : « Ne répandez pas son sang : jetez-le dans cette citerne du désert, mais sans le frapper. » Il voulait le sauver de leurs mains et le ramener à son père. Dès que Joseph eut rejoint ses frères, ils le dépouillèrent de la tunique précieuse qu'il portait, ils se saisirent de lui et le jetèrent dans la citerne, qui était vide et sans eau. Ils s'assirent ensuite pour manger. En levant les yeux, ils virent une caravane d'Ismaélites qui venait de Galaad. Leurs chameaux étaient chargés d'aromates, de baume et de myrrhe qu'ils allaient livrer en Égypte. Alors Juda dit à ses frères : « Quel profit aurions-nous à tuer notre frère et à dissimuler sa mort ? Vendons-le plutôt aux Ismaélites et ne portons pas la main sur lui, car il est du même sang que nous, c'est notre frère. » Les autres l'écoutèrent. Quand la caravane arriva, ils retirèrent Joseph de la citerne, ils le vendirent pour vingt pièces d'argent aux Ismaélites, et ceux-ci l'emmenèrent en Égypte.
Livre de la Genèse 37,3-4.12-13.17-28.
|
Qu’est-ce qui a conduit les frères de Joseph à commettre un acte aussi répréhensible ? L’envie : « voyant que Jacob leur préférait Joseph, ses autres fils se mirent à détester celui-ci ». Après le péché des origines induit par l’orgueil, l’envie pousse Caïn à la deuxième faute, l’homicide de son frère Abel (Gn 4). Les frères de Joseph, eux aussi rongés par l’envie, complotèrent de le faire mourir. Gardons-nous donc de l’envie comme de l’orgueil ! Ces deux venins, agissant de façon opposée, ont pour objet de rompre la communion nous unissant aux autres et à Dieu. Alors que l’orgueil nous amène à nous désintéresser des autres par une préoccupation trop grande de soi-même, l’envie nous incite à nous séparer d’eux par le trop grand intérêt que nous leur portons, surtout ce qu’ils possèdent et nous fait défaut.
L’envie est aussi citée par Jésus comme cause de chute. En bon Père, Dieu nous comble généreusement de ses bienfaits, sans qu’il n’y ait mérite de notre part. Si nous n’avons aucun « droit » auprès de Dieu de qui nous recevons tous par pur amour, pourquoi nous irriter de ce que les autres reçoivent de plus que nous à l’instar du frère du fils prodigue : « Voilà tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis; et puis ton fils que voici revient-il, après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras! » (Lc 15, 29-30). Ou encore de ce que les autres reçoivent une part identique en dépit d’efforts moindres par pure grâce en raison de la seule générosité du donateur comme dans la parabole des ouvriers de la dernière heure : « Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage; mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d'argent. En la recevant, ils murmuraient contre le maître de maison: Ces derniers venus, disaient-ils, n'ont travaillé qu'une heure, et tu les traites comme nous, qui avons supporté le poids du jour et la grosse chaleur. " Mais il répliqua à l'un d'eux: "Mon ami, je ne te fais pas de tort; n'es-tu pas convenu avec moi d'une pièce d'argent ? " Emporte ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi. " Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de mon bien ? Ou alors ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ? " » (Mt 20, 10-15).
Revenons-en au fabuleux destin de Joseph qui préfigure celui de Jésus, le Messie. Dieu ne saurait laisser le mal triompher, aussi tire-t-il de celui-ci un bien plus grand encore. « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle; c'est là l'œuvre de Yahvé, ce fut merveille à nos yeux » (Ps 118, 22-23). Joseph, renié et vendu par ses frères, deviendra cause de salut pour eux alors qu’il aura été élevé au rang de numéro deux en Égypte tout juste sous Pharaon. De même Jésus, mis à mort injustement par ses frères de race, a-t-il été exalté par Dieu qui lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2, 9) et deviendra cause de salut non seulement pour eux mais pour l’humanité toute entière.
Terminons, enfin, par ce paragraphe du Catéchisme de l’Église catholique qui s’applique à Jésus mais conviendrait également au récit de l’histoire de Joseph :
Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? S. Léon le Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés " (serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de S. Paul : ‘Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5, 20). Et le chant de l’‘Exultet’ : ‘Ô heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur’ " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exultet chante ces paroles de saint Thomas). (CEC 412)