Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
11 Avril 2014 Vie éternelle
Difficulté particulière pour les riches et les pharisiens d’accéder au salut éternel
Deux groupes se font promettre le malheur dans l’évangile selon Luc, un malheur qui, on le devine, surviendra dans la vie à venir car, pour le moment, ceux qui en font partie sont comblés d’une part de biens tangibles et, d’autre part, de biens spirituels. Nous retrouvons au chapitre 6 ceux qui sont comblés des biens tangibles et intangibles de ce monde : « Mais malheur à vous, les riches! car vous avez votre consolation. Malheur à vous, qui êtes repus maintenant! car vous aurez faim. Malheur, vous qui riez maintenant! car vous connaîtrez le deuil et les larmes. Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous! » (Lc 6, 24-26). Au chapitre 11, ce sont ceux qui sont comblés de biens spirituels qui se voient menacés d’un éventuel malheur : « Mais malheur à vous, les Pharisiens, qui acquittez la dîme de la menthe, de la rue et de toute plante potagère, et qui délaissez la justice et l'amour de Dieu! Il fallait pratiquer ceci, sans omettre cela. Malheur à vous, les Pharisiens, qui aimez le premier siège dans les synagogues et les salutations sur les places publiques! Malheur à vous, qui êtes comme les tombeaux que rien ne signale et sur lesquels on marche sans le savoir!... À vous aussi, les légistes, malheur, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d'un seul de vos doigts! Malheur à vous, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes, et ce sont vos pères qui les ont tués! Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science! Vous-mêmes n'êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés! » (Lc 11, 43-44.46-47.52).
Que reproche Dieu aux riches tant matériellement que spirituellement ? Leur manque de solidarité envers les autres, de thésauriser pour eux-mêmes au lieu de s’enrichir pour Dieu (Lc 12, 21), enrichissement pour Dieu qui nécessite de mettre les biens matériels, intellectuels et spirituels à notre disposition au service du bien commun auquel ils étaient destinés dès l’origine par le divin donateur. Nous sommes tous responsables les uns des autres tant au plan matériel que spirituel. Penser autrement c’est s’engager dans la voie tracée par Caïn : « Suis-je responsable de mon frère ? » (Gn 4, 9). Qui pense se sauver seul s’illusionne, cette vision individualiste et égoïste du salut risquant plutôt de l’engager dans la voie inverse de celle du salut espéré. La dénonciation du manque de solidarité par Jésus est particulièrement évidente dans la phrase suivante : vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d'un seul de vos doigts!
Nous voyons souvent les œuvres comme l’acte de donner gratuitement mais l’amour réclame tout autant que nous acceptions de recevoir le don gratuit de l’autre. Ainsi on n’imagine pas un parent refuser le dessin tracé à son intention par son enfant même s’il ne correspond pas aux critères d’esthétique qui le qualifierait comme de l’art. Toutes les fois que nous refusons un don nous fermons notre cœur à l’amour, pire, nous dénions au donateur la possibilité d’élargir son cœur. J’aime bien la vision de mère Teresa selon laquelle riches et pauvres contribuent réciproquement au salut l’un de l’autre : « Nous ne considérons pas avoir le droit de juger les riches. Nous ne désirons pas une lutte entre les classes, mais une rencontre entre les classes, rencontre dans laquelle le riche sauve le pauvre, et le pauvre sauve le riche » (Il n’y a pas de plus grand amour, Lattès 1997, p. 104).
Le refus de la gratuité par les riches et, du fait, de l’amour qui la sous-tend, représente une difficulté importante dans leur cheminement vers le salut éternel outre la responsabilité proportionnée à l’ampleur de leur richesse, tant matérielle que spirituelle, qu’il leur incombe de mettre au service du bien commun. Ceci a fait dire à Jésus : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu » (Mc 10, 25). J’illustrerai cela par une expérience personnelle : j’ai invité un jour un riche à prendre un repas avec moi n’ayant d’autre intention que de retrouver un vieil ami. À la fin du repas, non seulement a-t-il insisté pour payer la note mais encore voulait-il me faire une faveur dont la valeur n’avait aucune mesure avec le peu que je venais de faire pour lui, si bien que j’ai été soulagé par la suite de constater qu’il avait possiblement oublié sa promesse. Le problème de cet homme ne résidait pas dans son manque de générosité mais dans sa méconnaissance de la gratuité inhérente à l’amour, amour dont j’avais pu constater l’absence flagrante dans son existence au fil de nos discussions lors de ce mémorable repas.