Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Cet homme fait bon accueil aux pécheurs !
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.” Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer. Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.” Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »
Luc 15,1-3.11-32 |
Quand nous lisons ou entendons la parabole du fils prodigue, nous y voyons Dieu comme un Père aimant, toujours prêt à pardonner malgré que nous, ses enfants, nous nous soyons détournés de Lui. Et c’est tout-à-fait véridique et réconfortant à la fois car cela nous permet d’espérer habiter le Royaume de Dieu au terme de notre parcours terrestre.
Il y a cependant un autre aspect à cette parabole : celui du frère du fils prodigue qui s’irrite du bon accueil que son père a réservé à son frère. Je dirais même qu’il s’agit du but premier de cette parabole donnée en réponse aux récriminations des scribes et des pharisiens qui s’irritaient de l’accueil fait par Jésus aux pécheurs. D’où vient ce mécontentement des scribes et des pharisiens ou encore du fils aîné ? Ils pensent « mériter » l’amour ou l’héritage. Cette notion de mérite est bien évidente dans la remarque acrimonieuse du frère aîné : « jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis ».
Dans sa belle chanson Je m’ennuie de toi, Chantal Pary répète à plusieurs reprises : « On perd sa vie à vouloir la gagner. Tu devrais y penser ». Il en va de même pour la vie éternelle. Je me permets de la paraphraser : On perd son ciel à vouloir le gagner. Tu devrais y penser. Nous n’accéderons aux demeures éternelles (Jn 14, 2) qu’en raison de notre intimité avec le Fils de Dieu qui a acquitté pour nous le prix d’entrée, prix qui se situe hors de notre portée. Penser mériter, c’est nier la gratuité, c’est refuser l’amour, seule condition pourtant pour espérer partager l’existence de Celui qui est Amour pour l’éternité.
Cela nous amène à la conclusion de la parabole des talents (Mt 25, 14-46) qui va dans le même sens. On y voit ceux qui auront été justifiés déclarer avec étonnement : « Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu... ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ? » (Mt 25, 37-39). Ceux-ci n’ont de toute évidence pas accomplis ces actes de charité pour gagner leur ciel mais parce qu’ils ont écouté la voix de l’Esprit Saint qui les pressait d’agir par l’entremise de leur conscience. Ils ont agi par pur amour, en toute gratuité.
Inversement, Jésus nous dit que certains « bons croyants » ou plutôt reconnus tels par le monde qui les voient prier ou manifester des dons spirituels particuliers peuvent se perdre : « Ce n'est pas en me disant: Seigneur, Seigneur, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé? En ton nom que nous avons chassé les démons? En ton nom que nous avons fait bien des miracles? Alors je leur dirai en face: Jamais je ne vous ai connus; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité » (Mt 7, 21-23). Si c’est l’intérêt personnel, serait-ce de « gagner notre ciel », qui nous pousse à agir plutôt que l’amour, le don désintéressé de nous-mêmes, vaines demeureront nos actions. Le simple fait d’agir pour se faire remarquer des autres fait également partie de l’intérêt personnel qui entache des actions pourtant bonnes par ailleurs : « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux » (Mt 6, 1). Enfin, notons également au passage que se méprennent ceux qui pensent « couvrir » leurs fautes uniquement en redonnant à l’Église une part des biens acquis en commettant l’iniquité.
Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? (Lc 10, 25)
J’aime Dieu et les hommes en toute gratuité sans autre intention que de rendre amour pour amour. J’accueille l’amour de Dieu et je le redistribue autour de moi. J’aime sans me préoccuper de mon salut personnel, mettant pour celui-ci toute ma confiance dans l’infinie miséricorde de mon Père des cieux, représenté ici par la figure du père du fils prodigue, miséricorde qui seule peut m’ouvrir les portes de sa maison au terme de ma course.