Dépassement

Cette question posée par un docteur de la Loi est la même que celle posée par le jeune homme riche (Mc 10, 17). L’un comme l’autre connaît la réponse mais est à la recherche d’une « recette » infaillible qui lui donne accès à la vie éternelle et surtout de se faire dire qu’il est arrivé, qu’il frappe aux portes du Royaume. S’il donne la réponse au jeune homme riche qui lui dit en retour : « Maître, tout cela, je l'ai observé dès ma jeunesse » (Mc 10, 20), il en va autrement du docteur de la Loi auquel Jésus fait remarquer qu’il connaît déjà la réponse, celle-ci se trouvant dans les Saintes Écritures : « Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit ? Que lis-tu ? — Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. — Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie.» (Lc 10, 26-28) Mais comme le note judicieusement Luc la réponse de Jésus ne satisfait pas le docteur qui aurait aimé se faire dire qu’il est immédiatement « admissible » au Royaume : « Mais lui, voulant montrer qu'il était un homme juste, dit à Jésus : « Et qui donc est mon prochain ? » (Lc 10, 29).

Dans un cas comme dans l’autre, Jésus ne tombe pas dans le panneau et appelle ses auditeurs au dépassement en leur montrant que nous pouvons toujours faire plus, que nous ne sommes jamais arrivés tant que se poursuit notre périple terrestre. J’irais même jusqu’à rajouter que, même au-delà, nous n’arriverons pas instantanément à la vie éternelle peu importe ce que nous aurons pu accomplir, celle-ci étant don de Dieu, pure grâce découlant de son Amour, qui ne peut « s’acheter » par nos actions, si vertueuses puissent-elles avoir été, le seul droit d’accès provenant du prix de la vie donnée librement par Jésus sur la croix et qui vient compléter ce qui manque à la quantité négligeable du peu que nous aurons fait pour nous permettre jouir de la félicité espérée.

Jésus demande au jeune homme riche de se détacher des choses matérielles et même des amitiés terrestres : « Une seule chose te manque: va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis, viens, suis-moi » (Mc 10, 21) ce qui attriste ce dernier car il avait de grands biens (Mc 10, 22). Au docteur de la Loi, qui n’a sans doute pas les mêmes attachements aux choses de ce monde, il montre par la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 30-37) qu’il ne suffit pas de connaître la Loi pour accéder au Royaume, le prêtre et le lévite ayant ignoré la présence de l’homme blessé et en détresse, alors qu’un étranger, un ennemi de surcroît, est plus près du but pour le seul motif de ne pas s’être arrêté au minimum attendu de lui mais d’avoir écouté la voix de son cœur qui l’inclinait à la compassion envers un individu anonyme dont on se sait rien, pas même la nationalité, et qui peut être n’importe qui.