Réciprocité de l'amour

Nous serons « récompensés » de Dieu à la mesure de notre générosité envers les autres. Dieu n’aime-t-il pas tous les hommes également ? Tout-à-fait et infiniment ! Alors ? Dieu est également infiniment juste. C’est sa Justice qui réclame que la mesure dont nous nous servons pour les autres servira aussi pour nous. À l’instar du psalmiste, interrogeons-nous : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait? » (Ps 116, 12). Dans notre imperfection nous ne pourrons jamais égaler les bienfaits du seul Bon (Lc 18, 19), nos aumônes ou autres dons demeureront toujours très largement en-deçà de ce dont nous aurons été comblés. Serions-nous donc perdus ? Certes pas ! Jésus nous propose une issue à la portée de tous : appliquer aux autres le même traitement que nous espérons recevoir de Lui. Si nous espérons jouir un jour de la vie éternelle c’est uniquement en vertu de son infinie miséricorde et non en considération d’un mérite quelconque de notre part. Nous souhaitons éviter un jugement qui nous trouvera immanquablement coupables. Nous désirons échapper la condamnation. Nous supplions Dieu de pardonner nos écarts de conduite. Tous ces dons que nous demandons pour nous-mêmes, nous devons en gratifier les autres pour nous rendre « éligibles » à une gratuité similaire de la part de Dieu, mais dont la valeur excédera toujours largement celle de notre propre contribution. Ainsi donc, montrons-nous miséricordieux envers les autres, ne les jugeons pas, ne les condamnons pas, pardonnons-les « jusqu'à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 22). La parabole du débiteur impitoyable (Mt 18, 23-35) illustre fort bien cette réciprocité d’amour qui est attendue de nous, à savoir de donner à ceux qui ne peuvent nous remettre tout comme nous espérons recevoir de Celui à qui nous ne pourrons jamais remettre.

Je terminerai par le poème intitulé « le petit grain de blé » de Rabîndranâth Tagore :

J’allais mendiant de porte en porte dans les rues du village.

Dans le lointain ton carrosse d’or m’apparut

Comme en un rêve étincelant.

Je me demandais : « Quel est ce roi ? »

Je me suis mis à espérer.

Les mauvais jours me semblaient finis.

J’aurais des aumônes sans les demander,

des richesses répandues à profusion sur le sable.

Le carrosse s’arrêta là où je me trouvais.

Ton regard tomba sur moi et tu descendis en souriant.

Je sentis arriver enfin le bonheur de ma vie.

Alors tu tendis la main droite

et tu me dis : « Qu’as-tu à me donner ? »

Quelle royale plaisanterie,

Demander l’aumône à un mendiant !

J’étais embarrassé, je restais indécis.

Alors de mon sac je tirai un minuscule grain de riz

et te le donnai.

Mais quelle ne fut pas ma surprise, le soir,

Lorsque je retournai le sac

Et découvris le petit grain de riz changé en or !

Alors je pleurai amèrement.

Ah ! Si j’avais eu le cœur de tout donner ! »