Talent

J’ai toujours puisé dans le texte de la parabole des talents (les pièces de monnaie) une grande motivation à exploiter au maximum non seulement mes talents (les aptitudes particulières dont j’ai été gratifié) mais également à aider les autres à découvrir les leurs et à leur fournir l’opportunité de les développer et de les mettre en pratique. Cette découverte du potentiel de l’autre et sa mise en valeur s’effectue bien souvent via la délégation : confier des tâches qui sont siennes à l’autre en commençant par de petites et en augmentant le niveau de responsabilité au fur et à mesure que l’autre se montre digne de confiance,  « tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ». Pour certains, la délégation signifie se débarrasser des tâches ennuyeuses pour conserver les plus intéressantes. Ceux qui agissent de la sorte ne peuvent qu’aider accidentellement les autres à se développer car en confiant aux autres des tâches dont ils ne tireront aucun plaisir, « Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens » (Mt 23, 4), ce qui risque de les écraser plus que de contribuer à leur élévation.

La délégation qui met en valeur l’autre est « crucifiante » car elle consiste non seulement à lui confier une part de notre bien propre que nous apprécions mais encore à accepter que les choses soient faites différemment de la manière dont nous aurions nous-mêmes procédé, nous exposant à obtenir occasionnellement des résultats moindres ou dans des délais plus longs que si nous avions nous-mêmes exécuté lesdites tâches. Surtout, faut-il « rendre à César ce qui appartient à César » (Mt 22, 21) et donner tout le mérite des tâches bien accomplies à ceux qui les ont exécutées. En bref, la délégation, en ce qu’elle a de plus noble, pourrait se résumer à cette phrase de Jean-Baptiste : « Il faut qu'il (l’autre) grandisse et que moi, je diminue » (Jn 3, 30). Quelle joie cependant de voir l’autre capable de faire les œuvres que je fais; et même d’en faire de plus grandes (Jn 14, 12) car je participe alors à la joie de Dieu : entre dans la joie de ton maître.