La sagesse de Salomon

Salomon faisait déjà preuve d’une grande sagesse avant d’en faire la demande au Seigneur. En effet, il était humble et l’humilité constitue le premier pas dans le chemin de la sagesse : or, je suis un tout jeune homme, incapable de se diriger, et me voilà au centre du peuple que tu as élu. De plus, il a la claire conscience et l’humilité de reconnaître recevoir son pouvoir de Dieu : Ainsi donc, Seigneur mon Dieu, c'est toi qui m'as fait roi à la place de David mon père. Il est entièrement dans la vérité selon les paroles même de Jésus à Pilate : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne t'avait été donné d'en haut » (Jn 19, 11). Le corollaire de la reconnaissance de tout recevoir de Dieu, particulièrement le pouvoir, c’est la conscience que les dons reçus doivent être employés pour le bien commun selon le principe de la destination universelle des biens. Encore là, la demande qu’adresse Salomon à Dieu n’est pas pour en retirer un avantage personnel quelconque mais pour le bien du peuple pour lequel il s’est vu confier la responsabilité : Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu'il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ; comment sans cela gouverner ton peuple, qui est si important ?

Pourquoi alors Salomon a-t-il adressé pareille demande au Seigneur s’il possédait déjà la sagesse ? Parce que les vertus naturelles souffrent des limites de notre nature pécheresse ainsi que le constate l’apôtre Paul pour la sagesse : « Que nul ne se dupe lui-même! Si quelqu'un parmi vous croit être sage à la façon de ce monde, qu'il se fasse fou pour devenir sage; car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. » (1 Co 3, 18-19). Dieu, par l’intervention de son Esprit Saint, vient perfectionner, élever à un autre niveau, les qualités naturelles de celui qui reconnaît humblement ses limites et lui demande de pallier à ses faiblesses pour le service de ses frères : Cette demande de Salomon plut au Seigneur, qui lui dit : « Puisque c'est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis ; mais puisque tu as demandé le discernement, l'art d'être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n'en a eu avant toi et que personne n'en aura après toi ». Ainsi se réalise la parole de Jésus : « à tout homme qui a l'on donnera; mais à qui n'a pas on enlèvera même ce qu'il a » (Lc 19, 26). Qui croit pouvoir se passer de Dieu et / ou jouir égoïstement du patrimoine qui lui a été confié, encourt le risque de tout perdre dans son égarement.

La demande de Salomon plut tellement au Seigneur qu’il lui accorde en plus les avantages d’ordre matériel qu’il n’a pas demandé : Et je te donne aussi même ce que tu n'as pas demandé : je te donne et la richesse et la gloire, si bien que pendant toute ta vie tu n'auras pas d'égal parmi les rois. Ainsi donc, se réalise en Salomon cette autre parole de Jésus : « Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez; ne vous tourmentez pas. Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête; mais votre Père sait que vous en avez besoin. Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît » (Lc 12, 29-31). Qu’est-ce que le Royaume des cieux ? C’est la parfaite communion entre les hommes et Dieu. Réalité dans l’au-delà, projet en construction en cette vie. Chercher le Royaume de Dieu, c’est laisser Dieu agir à travers nous pour que soit manifesté de façon concrète son amour à tous les hommes et qu’à leur tour ceux-ci soient tentés de faire de même de sorte que l’amour se répande à la surface de la terre et que survienne éventuellement ce que les derniers papes ont appelé la civilisation de l’amour, la plus grande ressemblance possible entre l’Église militante et celle qui est déjà entrée dans la gloire de Dieu. Quand Salomon fait part de son désir de se mettre entièrement au service de son peuple, il cherche le Royaume de Dieu notamment dans sa requête de discerner le bien et le mal. En souhaitant se mettre au service de son peuple, Salomon met en pratique ce conseil de Jésus : « Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous: au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l'esclave de tous ». (Mc 10, 42-44).

La sagesse de Salomon consiste d’abord à être humble puis à rechercher la volonté de Dieu en toutes choses, à savoir manifester l’amour de Celui-ci aux autres notamment par le service des frères et sœurs dans le Seigneur et, pour ce faire, implorer de recevoir les dons de l’Esprit afin de pouvoir réaliser ce qui est difficile, pour ne pas dire impossible, à notre nature limitée et pécheresse.