Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Le rôle essentiel du pardon dans la vie spirituelle
Dieu est Amour. Amour et non-amour ne peuvent cohabiter au sein d’un même cœur. Aussi n’y a-t-il pas de vie spirituelle possible sans pardon inconditionnel de tous ceux qui ont pu nous causer un tort quelconque, réel ou apparent. De là la recommandation de Jésus : « Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande » (Mt 5, 23-24). Non seulement importe-t-il de pardonner les autres afin d’obtenir, par un effet de réciprocité, le pardon de nos propres offenses par Dieu ainsi que Jésus nous a indiqué de le demander dans la prière du Notre Père, « pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous » (Mt 6, 12), mais encore parce que nous sommes les premiers affectés par tout refus de pardonner. En effet, un tel refus réduit notre capacité à aimer non seulement Dieu mais également les autres. Conséquemment, le refroidissement du cœur qui résulte d’un tel refus ne met pas uniquement en péril le bonheur éternel auquel nous aspirons mais aussi notre bonheur dès à présent en cette vie, l’amour étant à son origine.
Je me souviens du premier véritable pardon que j’ai accordé il y a quarante ans, à quelques jours près, du moment où j’écris ces lignes. J’étais alors une personne rancunière et ma vie spirituelle était alors au plus bas. Je me souviens très bien du combat que j’ai dû livrer pour passer outre à mes inclinaisons naturelles afin de pardonner à cette personne qui m’avait fait mal ainsi que de la grande joie que j’ai éprouvée après avoir pardonné. Ce ne fut pas là un grand geste de ma part puisque les circonstances particulières qui entouraient cet événement m’incitaient fortement à poser une telle action mais cela constitua tout de même le premier pas non seulement d’une longue série de pardons à accorder mais aussi et surtout le premier pas du rétablissement de ma relation avec Dieu.
Il n’y a pas que les pardons que nous donnons qui importent dans la vie spirituelle. Ceux que nous sollicitons et obtenons de Dieu dans le sacrement de Réconciliation comptent tout autant. Le sacrement de réconciliation fait partie des sacrements de guérison. Il restaure la capacité du cœur à aimer qui avait été handicapée par le péché. Il n’efface pas la faute mais ce qui, dans ses effets altère notre capacité à entrer en relation d’amour véritable avec Dieu, son Église et notre prochain. Cela regroupe les quatre premiers effets spirituels de ce sacrement énoncés au paragraphe 1496 du catéchisme de l’Église catholique (CEC) :
– la réconciliation avec Dieu par laquelle le pénitent recouvre la grâce,
– la réconciliation avec l’Église ;
– la remise de la peine éternelle encourue par les péchés mortels ;
– la remise, au moins en partie, des peines temporelles, suites du péché ;
Les deux derniers effets décrits sont des conséquences de la guérison:
– la paix et la sérénité de la conscience, et la consolation spirituelle ;
– l’accroissement des forces spirituelles pour le combat chrétien.
Et même, oserai-je ajouter, peut-on espérer un jour, lorsque la cause du péché résulte d’une disposition physique ou psychologique s’apparentant à une dépendance, être miraculeusement, en ce que cela dépasse nos capacités propres, libéré de celle-ci par ce sacrement.
La faute, en tant que telle, ne peut être effacée. Elle demeure une réalité historique dont on ne peut nier qu’elle ait effectivement eu lieu et dont le rappel devrait servir à nous maintenir dans l’humilité, la principale qualité du cœur qui aime en vérité. Le fait que la faute demeure, entraîne la nécessité de faire tout en notre pouvoir pour réparer le tort fait ou en atténuer les effets à la suite de Zachée : « Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple » (Lc 19, 8) ce à quoi répond Jésus et qui s’apparente à une absolution : « Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison » (Lc 19, 9). Le CEC traite de ce point au paragraphe 1459 :
Beaucoup de péchés causent du tort au prochain. Il faut faire le possible pour le réparer (par exemple restituer des choses volées, rétablir la réputation de celui qui a été calomnié, compenser des blessures). La simple justice exige cela. Mais en plus, le péché blesse et affaiblit le pécheur lui-même, ainsi que ses relations avec Dieu et avec le prochain. L’absolution enlève le péché, mais elle ne remédie pas à tous les désordres que le péché a causés (cf. Cc. Trente : DS 1712). Relevé du péché, le pécheur doit encore recouvrer la pleine santé spirituelle. Il doit donc faire quelque chose de plus pour réparer ses péchés : il doit " satisfaire " de manière appropriée ou " expier " ses péchés. Cette satisfaction s’appelle aussi " pénitence ".
La fréquentation régulière du sacrement de Réconciliation est recommandée afin de combattre l’endurcissement du cœur conséquent au péché, non seulement pour être trouvés avec un cœur ouvert à l’amour si la mort devait survenir à l’improviste mais aussi en ce que le sacrement nous communique des forces spirituelles pour le combat chrétien, qui est le combat contre le péché.
Enfin, si quelqu’un devait penser que le sacrement de réconciliation constitue une licence pour pécher impunément, ce n’est pas le cas : L’absolution enlève le péché, mais elle ne remédie pas à tous les désordres que le péché a causés. Si le cœur est restauré dans sa capacité à aimer, notre nature pécheresse ressort, quant à elle, affaiblie des expériences de chute et donc plus encline à retomber dans un mal similaire ou un mal pire encore. Plus nous péchons, plus nous risquons de créer une habitude de pécher qui nous entraîne à pécher plus souvent et plus gravement jusqu’à mettre en péril notre salut. Pour renforcir la nature blessée, il faut s’adonner à la pratique des vertus, faire les œuvres de l’amour, gestes qui non seulement créent une habitude au bien mais également élargissent la capacité d’amour de notre cœur.