L’endurcissement du cœur et ses conséquences

Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts. On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus. Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? » Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait. Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là, et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir ce Lazare qu’il avait réveillé d’entre les morts. Les grands prêtres décidèrent alors de tuer aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.

Jean 12, 1-11

Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris

L’endurcissement du cœur est un processus graduel qui tire son origine de la recherche de l’intérêt personnel qui nous rend graduellement insensibles aux besoins des autres, tellement nous devenons obnubilés par les nôtres. Ces autres, et même Dieu, se retrouvent réduits au statut de moyens d’enrichissement personnel et ne reçoivent de considération que dans la mesure où ils peuvent participer à celui-ci et y contribuent effectivement. Comme l’a constaté Augustin d’Hippone, l’amour de soi conduit au mépris de Dieu (et des autres dans lesquels Il est présent). Ici, note l’apôtre Jean, Judas condamne Marie de Béthanie non parce qu’elle a posé un geste intrinsèquement mauvais, mais parce que ce dernier a vu s’évaporer une opportunité d’enrichissement personnel. Que fait le Seigneur ? Il n’adresse pas le moindre reproche à Judas qu’Il laisse libre d’accueillir ou non son projet d’amour. Cependant, il prend la défense de la femme injustement accusée. De tout temps, Dieu prend la défense de ceux qui sont exploités sans pour autant s’attaquer à ceux qui prennent avantage d’eux, laissant à ces derniers un temps de grâce pour qu’ils reviennent librement à Lui, faute de quoi ils s’exposent à la damnation éternelle symbolisée par l’engloutissement de Pharaon par les eaux de la mer Rouge ou encore l’éventuel suicide de Judas.

Judas a livré Jésus parce qu’il reconnaissait en Lui le Messie et qu’il pensait que ce dernier allait utiliser sa Toute-Puissance pour la mettre au service de son intérêt personnel, pour sauver sa vie, comme lui-même, Judas, l’aurait fait s’il s’était retrouvé dans une pareille situation et avait disposé d’un tel pouvoir, tout comme le pensent également les passants au pied de la Croix : « sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! » (Mt 27, 40), mais eux, en raison de leur incroyance. Lorsque Judas constatera que Jésus n’en fera rien et qu’Il s’en va à la mort, il sera pris de désespoir en voyant qu’il a posé un geste qui aura pour effet de tarir sa principale (son unique ?) source de revenus, un apitoiement sur lui-même qui le conduira au suicide.

Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? (Lc 10, 25)

Je me garde de toute recherche d’intérêt personnel de peur de m’engager dans un processus d’endurcissement du cœur qui me détourne de l’Amour et me conduise éventuellement à ma perte.