Fin et moyens

Le vieux vêtement, les vieilles outres, ce sont l’Ancien Testament et ses multiples prescriptions pour permettre de se tenir en présence de Dieu. Plusieurs avaient fait de ces prescriptions, dont le jeûne, une fin alors qu’elles ne constituaient que des moyens. Faire quelque chose par simple contrainte, en ignorant la fin poursuivie, c’est être sous le joug de l’esclavage, voilà pourquoi on parle de l’esclavage de la Loi, esclavage dont Jésus est venu nous libérer en nous révélant la nature de Dieu, « Dieu est Amour » (1 Jn 4, 8) et que son commandement est l’amour : « Le premier (de tous les commandements) c'est: Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur, et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là » (Mc 12, 29-31). Cette libération du joug de la Loi par une meilleure connaissance de Dieu et de sa Volonté, Jésus l’exprime ainsi : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître » (Jn 15, 15). La limite des moyens pour atteindre la fin est, quant à elle, affirmée ainsi : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur cœur  est loin de moi. Vain est le culte qu'ils me rendent: les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains » (Mt 15, 8-9).

Est-ce à dire que l’Ancien Testament est inutile ? Nullement ! Mais il faut le prendre pour ce qu’il est : une révélation imparfaite, parce que partielle, de Dieu et de sa Volonté. Jésus le dit lui-même : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17), les porter à leur perfection en révélant la Vérité qui s’y cachait comme en énigme (1 Co 13, 12). Les moyens proposés par la Loi ancienne, dont le jeûne, tiennent toujours mais il faut les prendre pour ce qu’ils sont : des moyens de se mettre en présence de Dieu, de L’aimer ou d’aimer le prochain. Pour ceux qui jouissent de la Présence, le jeûne ne sert à rien mais un temps viendra où l'Époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. L’apôtre Paul nous met en garde contre la tentation de revenir en arrière et de faire une fin des moyens : « C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage. C'est moi, Paul, qui vous le dis: si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien » (Ga 5, 1-2).