L'amour échappe à la raison

L’amour échappe à la raison. Davantage, encore, si on parle de l’Amour avec un grand A, qui est Dieu. Ne serait-ce qu’en raison de sa gratuité, dans le don total de soi sans espoir de retour, l’amour est contraire à une raison davantage proche d’une chair qu’elle voit et qui lui fait ressentir le manque de ses passions inassouvies que d’un esprit capable de dépassement de soi pour aller vers l’autre et le Tout-Autre.

Jésus est venu nous révéler que Dieu est Amour. Quoi de plus insultant pour la raison qu’un Dieu qui se présente à elle sous la vulnérabilité d’un enfant naissant ? Quel autre moyen plus efficace aurait pu prendre un Dieu transcendant pour se faire près de nous et éliminer la crainte de s’approcher de Lui qui nous dépasse infiniment ? Que dire de sa sortie ? Quelle plus grande preuve d’amour aurait pu donner le Christ, comment aurait-il pu illustrer autrement l’amour infini de Dieu, que de donner sa vie pour nous sur la croix ? Une croix que Paul constate être scandale pour les Juifs et folie pour les païens (1 Co 1, 23). Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort (1 Co, 1, 27). Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que Dieu ait choisi des moyens qui choquent la raison pour se révéler aux hommes ? L’amour n’échappe-t-il pas à la raison ?

Tout m'a été confié par mon Père ; personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Ce qu’il est difficile pour la raison de reconnaître la divinité en ce Dieu qui a épousé la chair en ce qu’elle avait de plus fragile hormis le péché (He 4, 15) !

Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits. Ceux qui sont les premiers dans la chair, les puissants, les sages et les savants, ignorent dans leur autosuffisance la gratuité de l’amour, alors que ceux qui ont peu attendent tout des autres et de Dieu. Voilà comment les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers (Mt 20, 16). Qu’il est paradoxal de voir ce Dieu qui a pris chair pour se faire près de nous devenir pierre d'achoppement(1 P 2, 8), en raison justement du fait qu’il ait assumé notre fragilité !