Jalousie

Il n’y a pas de bonheur qui puisse résister au jeu des comparaisons car il y aura toujours quelqu’un quelque part qui aura quelque chose qui nous fait défaut ou qui l’aura obtenu au prix d’un moindre effort, créant une sensation malsaine de manque qui occultera le patrimoine qui est le nôtre et qui, l’instant auparavant, nous satisfaisait encore pleinement. C’est le deuxième péché décrit dans la Bible après celui d’avoir voulu se faire l’égal de Dieu et décider de ce qui est bien et de ce qui est mal. Caïn tue alors son frère Abel parce que l’offrande de ce dernier avait été plus agréable à Dieu que la sienne (Gn 4, 4-8). La jalousie vient tout juste derrière l’orgueil dans les mauvais penchants dont nous devons tenter d’éviter les pièges.

Plus profondément, ce qui manque au jaloux, ce n’est pas seulement telle ou telle chose, c’est l’estime de son propre bien… Un des ressorts essentiels de la jalousie : le manque d’amour de soi. Au fonds, la jalousie est toujours une ingratitude. L’envieux méconnaît sa propre valeur. En souffrant de ce que sa bouteille est à moitié vide, il oublie qu’elle est à moitié pleine… En niant le don présent en lui, le jaloux nie le Donateur (Pascal Ide, Les 7 péchés capitaux, Mame-Edifa, p.142). À ceux qui seraient tentés de croire que la jalousie est une preuve d’amour, rien n’est plus faux et si elle témoigne de quelque chose ce n’est pas de l’amour de l’autre mais de l’amour de soi : «Rien ne ressemble plus à l’amour et rien ne lui est plus contraire, violemment le contraire, répond l’écrivain Christian Bobin dans La plus que vive. Le jaloux croit témoigner, par ses larmes et ses cris, de la grandeur de son amour. Il ne fait qu’exprimer cette préférence archaïque que chacun a pour soi-même » (Pascal Ide, op.cit, p. 144).

Non seulement la jalousie est-elle un péché contre l’autre en engendrant la médisance, la calomnie et même le meurtre mais également un péché contre soi-même en tuant le bonheur qui aurait pu être le nôtre si nous n’avions pas arrêté notre regard sur celui des autres.

Comment y remédier ? Le meilleur moyen, à mon humble avis, est la louange et l’action de grâces : louer et remercier Dieu pour ce que j’ai et ce que je suis tout aussi bien que pour ce que l’autre a et ce qu’il est. Ainsi, je reconnais le droit de Dieu de donner à chacun selon son bon plaisir (N'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? — Mt 20, 15), j’estime la part que j’ai moi-même reçu et m’en montre reconnaissant, reconnaissance que j’étends à ce que l’autre a reçu et qui est, fort heureusement, différent de moi de sorte que nous avons besoin les uns des autres et qu’en se regroupant, en Église ou autrement, le tout forme plus que la somme des parties individuelles. À plus forte raison si le Christ se joint au groupe selon sa promesse : « là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt 18, 20).