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Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui

Mal de vivre (suite)

 

 

Mal de vivre

 

Aujourd’hui j’ai décidé d’inverser. Le commentaire précède le texte. J’ai trouvé important de reproduire le texte de l’histoire de Cathy (Henri J. M. Nouwen , Ma foi comme une histoire, Novalis, 1998, pp 92-99) dont je parlais hier.

 

Cette histoire est importante car elle démontre toute la nocivité de se comparer aux autres, petit jeu anodin qui fait un éternel insatisfait de celui qui s’y laisse prendre.

 

Importante également car elle met en lumière le drame des gens riches et/ou célèbres qui en viennent à ne plus savoir s’ils sont aimés pour ce qu’ils sont plutôt que pour ce qu’ils font ou ce qu’ils ont. Je me souviens de la pitié que m’avait inspirée une personne riche que j’avais invitée au restaurant en toute amitié et qui ignorait, selon toute évidence, quels étaient ses amis véritables. Selon ma compréhension, elle venait même de tourner le dos à celui qui était potentiellement son meilleur ami pour le seul motif qu’il avait osé s’exprimer en toute sincérité. Vivant dans un univers où tout se paie, non seulement a-t-elle insisté pour régler la note mais a-t-elle promis de parler de moi à quelqu’un qui aurait pu me donner un bon emploi, chose qui ne s’est pas produite, à mon grand soulagement, car en dépit de ce que j’avais grandement besoin de cet emploi, je ne voulais surtout pas compter parmi les rangs de ceux qui la fréquentait par intérêt. Combien l’ai-je trouvé seule et malheureuse car elle ignorait tout de l’amour et de sa gratuité…

 

Assez parlé et place à l’histoire de Cathy (les caractères gras sont de moi) :

 

 

Un jour une limousine allongée noire, aux vitres teintées, est apparue à Daybreak. Plusieurs personnes regardaient, perplexes, cette voiture arriver. Qu’est-ce qu’une personne se déplaçant dans un tel véhicule venait faire à Daybreak ?

 

Lorsque la limousine s’arrêta devant Dayspring, une petite femme très maigre en est descendue. « Je m’appelle Cathy, dit-elle. Je viens de New-York et j’ai besoin d’aide pour résoudre mes problèmes. » Avec Sue Mosteller, l’hôte de Dayspring, nous l’avons conduite dans la maison. « Comment pouvons-nous vous aider ? »

 

« Eh bien ! pour être honnête avec vous, je suis terriblement déprimée. Je consulte un psychiatre depuis plusieurs années déjà, et il n’a pas réussi à m’aider. Au contraire, mon état empire. Alors mon frère, qui connaît Daybreak, m’a dit : "Pourquoi ne vas-tu pas là-bas ? Ces gens peuvent peut-être t’aider." Alors me voici. » Elle devait avoir au moins soixante-dix ans, Elle avait un très beau visage, et une petite étincelle brillait dans ses yeux. Elle était soigneusement vêtue et semblait en pleine possession de ses moyens. Pourquoi était-elle déprimée ?

 

Sue lui dit : « Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Certains événements ont-ils déclenché votre dépression ? »

 

« Oh oui ! répondit Cathy. Cela vous paraîtra étrange, mais chaque fois que je lis la page sociale du New York Times et que j’y lis les noms des tous les gens invités par le Président des États-Unis et la Première Dame à dîner à la Maison blanche, je suis déprimée parce que je ne suis pas sur la liste ! »

 

Sue et moi nous sommes regardés. C’était du nouveau pour nous !

 

Cathy a poursuivi : « Je suis toujours en train de me comparer aux autres et, en vieillissant, je réalise que de plus en plus de gens m’oublient. Et quand je vois des gens qui n’ont pas la moitié de ma fortune ou de mes relations, mais qui sont plus désirables que moi… je deviens très, très déprimée. »

 

Puis Cathy s’est mise à nous raconter sa vie — son mariage prestigieux, ses enfants, son divorce, son second mariage, sa vie sociale bien remplie, sa relation avec l’Église, ses œuvres de charité et sa renommée. Elle nous a tout raconté avec beaucoup d’honnêteté et d’ouverture, non sans humour. « Les gens s’attendent toujours à avoir de l’argent, dit-elle. Quand je perds quelque chose, je promets à saint Antoine que je vais donner 1 000 $ à mon église lorsque je l’aurai retrouvé. Aujourd’hui quand je vais à la messe, le prêtre me demande : "Cathy, avez-vous perdu quelque chose cette semaine ? " »

 

Progressivement, une image très inhabituelle mais tragique s’est dégagée. Devant nous se tenait une femme qui avait tout ce dont un être humain pouvait rêver — argent, gloire, relations et pouvoir — et qui se demandait si quelqu’un l’aimait vraiment. Riche mais pauvre. Célèbre mais insécure. Grande mais très petite.

 

Sue a dit : « Croyez-vous que vous êtes une bonne personne simplement parce que vous êtes Cathy ? »

 

Des larmes ont mouillé ses yeux. Elle a dit : « Je ne sais pas. Avec tout ce qui m’entoure, je ne sais même pas qui je suis. J’ignore ce que de serait si les gens m’aimaient simplement en tant que Cathy. Est-ce qu’ils le feraient ? Je me le demande souvent ! »

 

Soudain, j’ai compris sa dépression. Cathy se posait la même question que nous tous : si les gens nous connaissaient tels que nous sommes vraiment, sans tous les ornements dont nous sommes parés, nous aimeraient-ils quand même ? Ou bien nous oublieraient-ils dès que nous ne leur serions plus utiles ? Voilà la question centrale de l’identité : sommes-nous bons à cause de ce que nous faisons ou possédons, ou à cause de ce que nous sommes ? Suis-je quelqu’un parce que le monde fait de moi quelqu’un, ou suis-je quelqu’un parce que j’ai appartenu à Dieu bien avant d’appartenir au monde ? Tant d’événements s’étaient produits dans la longue vie de Cathy qu’elle avait perdu contact avec la personne originale, simple et aimable qu’elle était.

 

Plus Sue et moi parlions avec Cathy, plus nous prenions conscience qu’aucun de nos arguments n’arriverait à la convaincre de s’aimer elle-même. En fait, nous n’étions pas entièrement à l’abri des pièges dont parlait Cathy. Nous étions nous aussi impressionnés par sa fortune et sa renommée. Serait-elle un jour capable d’accepter que nous lui révélions son véritable être spirituel ? Il n’aurait pas fallu grand-chose pour qu’elle en vienne à nous considérer, nous aussi, comme des utilisateurs potentiels. À mesure que je devenais conscient de la difficulté de Cathy de se libérer de sa prison sociale, j’ai pensé à Adam (Note : un handicapé sévère qui devait compter entièrement sur les autres pour le baigner, l’habiller, le faire manger, le promener… et qui ne pouvait pas parler). Il était peut-être le seul qui ne songerait jamais à l’utiliser. Il ne lui demanderait pas d’argent, ne rechercherait aucune gloire et n’avait besoin d’impressionner personne.

 

Je lui ai dit : « Cathy, vous êtes invitée à New House ce soir pour le souper. Vous partagerez le repas d’Adam et de ses compagnons (Note : d’autres handicapés tout aussi sévèrement). » …

 

« Henri, c’était si bon ! Je me suis sentie acceptée, même aimée et bienvenue. Je pense qu’ils m’ont vraiment aimée. Je dois dire que j’étais un peu craintive quand vous m’avez demandée d’y aller, mais j’étais heureuse d’être là. Tout le monde était gentil et amical. Je me suis vraiment découvert des affinités avec Adam, peut-être parce que j’étais assise à côté de lui et que j’ai pu lui aider un peu. Quel bel homme ! Vraiment, ce fut une soirée superbe ! » …

 

De retour à New-York , Cathy m’a téléphoné : « Mon mari s’est aperçu qu’il m’était arrivé quelque chose d’important à Daybreak. Il voulait savoir ce que j’avais fait là-bas. Je lui ai parlé de mon souper à New House, d’Adam, de John et de la barre de chocolat. Je ne ressens plus, comme avant, cet affreux sentiment de dépression. Je sens une nouvelle présence de Dieu en moi, de l’amour de Dieu pour moi. »  

 

« Quelque chose de très profond s’est produit pendant mon séjour à Daybreak. Je ne suis plus déprimée, parce que je me sens davantage en lien avec moi-même. » …

 

Un très pauvre homme avait fait quelque chose de miraculeux pour une très pauvre femme.

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