Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Pardon
Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois.
Matthieu 18, 21-22
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Le hasard diront certains, la Providence diront d’autres, fait bien les choses. N’y a-t-il pas de thème plus approprié pour le dixième anniversaire des tragiques événements du onze septembre 2001 que celui du pardon ? Eh bien ! Les lectures de la liturgie de l’Église catholique pour le 11 septembre 2011 portent justement sur ce thème. Jésus dit qu’il n’y a pas de limite au pardon à accorder à celui qui a commis une faute envers nous. Cela est conséquent avec l’objectif de perfection vers lequel il incite tout homme à tendre : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Cette perfection d’un Dieu qui est Amour se manifeste notamment par son infinie miséricorde que ne manque pas de dénoter le psalmiste :
Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe et te couronne d'amour et de tendresse ;
il n'est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ;
il n'agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ;
aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés ; (Ps 103, 2-4.9-12).
Demander de ne pas mettre de limites au pardon à accorder, c’est demander d’imiter Dieu dans sa magnanimité. Nous savons tous qu’il est difficile de pardonner, voire impossible, au-delà de nos forces, en certaines occasions. Où donc trouver le courage de passer outre au cri de la chair qui clame vengeance : œil pour œil et dent pour dent (Mt 5, 38) ? Le spirituel trouve la justification du pardon à accorder dans la considération que Dieu lui pardonne beaucoup plus qu’il n’aura jamais à pardonner et de son corollaire à savoir qu’il obtiendra pardon de Dieu dans la mesure où il aura lui-même pardonné ainsi qu’il le demande lorsqu’il récite la prière du Notre Père : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12). C’est là le sujet de la réflexion de l’Ecclésiaste :
Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur s'obstine. L'homme qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ; celui-ci tiendra un compte rigoureux de ses péchés. Pardonne à ton prochain le tort qu'il t'a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? S'il n'a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses propres fautes ? Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ? Pense à ton sort final et renonce à toute haine, pense à ton déclin et à ta mort, et demeure fidèle aux commandements. Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, pense à l'Alliance du Très-Haut et oublie l'erreur de ton prochain (Qo 27,30.28,1-7).
Jésus donne la même justification au pardon à accorder sans condition et sans limite puisqu’il enchaîne immédiatement avec la parabole du débiteur implacable qui, après s’être fait remettre une dette considérable par son maître, ne montre aucune compassion envers son compagnon qu’il fait jeter en prison pour se faire rembourser un montant pourtant beaucoup moindre (Mt 18, 23-35) et qu’il conclut par les propos du maître généreux représentant le Père :
'Serviteur mauvais ! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ? 'Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il ait tout remboursé. C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur.
Pour terminer, regardons dix ans plus tard où a mené le désir de vengeance des États-Unis. Le monde est-il plus sûr qu’auparavant ? Je suis enclin à répondre non, à preuve la somme pharaonique que les États-Unis dépensent à eux seuls en frais de sécurité : plus de 100 milliards de dollars annuellement sans compter le coût des troupes faisant la guerre au terrorisme à l’étranger, une aventure qui est en train de ruiner ce pays. La violence ne fait qu’engendrer la violence. Les gens meurent sans cesse en Iraq. Le sang des morts en incite d’autres à prendre leur place si bien que les Talibans d’Afghanistan, loin de disparaître, semblent se renforcir. À plus grande échelle, l’Islam, une religion qui se fonde sur les rapports de force plutôt que sur l’amour, se répand, attirant en son sein des personnes qui, voyant dans le monde une jungle où règne la loi du plus fort, se sentent attirés par un modèle conforme à ce qu’ils voient, ne croyant plus à l’idéal de l’amour, faisant peser une nouvelle menace sur la paix mondiale. L’usage d’une force excessive a-t-elle amélioré les choses ? Rien n’est moins sûr particulièrement en Irak où la situation des habitants semble s’être plus détériorée qu’améliorée par rapport à ce qu’elle était sous le règne du dictateur déchu Saddam Hussein.
Où en serait-on si on avait fait un usage plus modéré de la force ? Si on avait cherché la justice plutôt que la vengeance ? Si on avait poursuivi dans la voie diplomatique qui, malgré ses résultats modestes, faisait probablement plus que les armes ? Ne serait-on pas plus près d’un monde meilleur, d’une civilisation de l’amour ? N’a-t-on pas l’impression aujourd’hui de s’éloigner d’un tel idéal, de la venue du règne de Dieu sur la terre ?