Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
Règne de Dieu
Le règne de Dieu ne vient pas d'une manière visible. On ne dira pas : 'Le voilà, il est ici ! ' ou bien : 'Il est là ! ' En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous.
Luc 17, 20-21
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Quelqu’un affirmait récemment avec force devant moi que Dieu n’existait pas, qu’après la mort c’était le néant, que la religion ne servait qu’à deux choses : aider les gens à passer à travers les épreuves en leur donnant une espérance quelconque et, aux riches et puissants, à dominer les autres sans que ceux-ci ne se révoltent, ces derniers acceptant leur sort grâce à l’espérance que le bonheur se trouverait dans une autre vie, celle-ci n’ayant rien à leur offrir, n’étant qu’une « vallée de larmes » (Ps 84, 7). L’exposé se terminait par l’affirmation que les croyants étaient contre la vie en posant ou en s’imposant des contraintes qui empêchent de jouir pleinement de celle-ci, faisant écho en quelque sorte à une campagne publicitaire parue sur les bus de Londres en 2009 : « Dieu n'existe probablement pas. Cessez donc de vous inquiéter et profitez de la vie ».
Dieu, il est vrai, personne ne l’a jamais contemplé (1 Jn 4, 12) de son vivant ainsi que l’affirma Dieu à Moïse : « tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir et vivre » (Ex 33, 20). Le fait de ne pas voir quelque chose n’exclut en rien la possibilité que cette chose puisse exister, le monde est réel même si les aveugles ne le voient pas, réalité qu’ils peuvent constater par le toucher. Par la foi, nous touchons Dieu et, simultanément, nous nous laissons toucher par lui, nous le laissons donc agir en nous (Père Jacques Philippe, Affermis dans la foi, Feu et lumière no 207 Juillet-Août 2011). Quel est le risque de la foi ? Ou même celui de ne pas croire ? Raniero Cantalamessa résume le tout en une phrase : « On ne peut pas exclure totalement le fait que Dieu existe. Mais cher frère non croyant, si Dieu n'existe pas, moi je n'ai rien perdu ; si en revanche il existe, tu as tout perdu ! ». Les croyants professent un Dieu qui est Amour et trouvent leur bonheur en cette vie dans la joie des autres. Cette joie, rien ni personne ne pourra jamais leur enlever. Dieu n’existerait pas qu’ils n’auraient rien perdu, ils auraient la satisfaction d’avoir rendu le monde meilleur, même si cette contribution est négligeable. Par contre, le non croyant qui vit pour lui-même et jouit égoïstement de la vie, à l’image du riche de la parabole qui ignorait Lazare qui mendiait à sa porte (Lc 16, 19-31), risque de connaître le même sort que ce riche et de tout perdre, de se retrouver exclu du Royaume éternel.
Quant au règne de Dieu, c’est une conception erronée de penser qu’il s’agit uniquement d’un Royaume à venir. Jésus l’affirme clairement : voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous. Dieu est présent où il y a l’amour véritable : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli. À ceci nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous: il nous a donné de son Esprit » (1 Jn 4, 12-13). Dès les premiers temps du christianisme, l’amour a constitué la principale caractéristique des croyants : « Voyez comme ils s’aiment ! Voyez, comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres ! » (Tertullien, Apologétique 39). En aimant, le croyant rend Dieu présent au monde et contribue à l’avènement de son Royaume qui est en construction et qui atteindra sa perfection lorsque Dieu sera tout en tous (1 Co 15, 28), lorsque nous atteindrons individuellement et collectivement la perfection de l’amour. Cette vision d’un règne à la fois déjà présent mais qui tend vers sa pleine réalisation est bien exprimée par cette formule : « Fais fructifier en nous, Seigneur, l'eucharistie qui nous a rassemblés : c'est par elle que tu formes dès maintenant, à travers la vie de ce monde, l'amour dont nous t'aimerons éternellement. » (Missel romain : Postcommunion, 1er dimanche de l'Avent)
L’espérance de bonheur du croyant authentique ne se limite pas à l’éternité mais il attend, que dis-je, il jouit déjà du bonheur espéré. Je vous donne deux faits dont j’ai eu connaissance. Un riche est tombé gravement malade et, grâce à ses contacts et son argent, a pu avoir accès à des soins de plus grande qualité et dans des délais plus brefs que le citoyen ordinaire. Un pauvre s’est brisé une dent et, sachant la difficulté d’obtenir un rendez-vous auprès du dentiste a mis toute sa confiance en Dieu. Providentiellement, un rendez-vous a pu être pris deux jours ouvrables plus tard car une personne venait d’annuler le sien 5 minutes auparavant. Le jour venu, il se présente et, comme une intervention additionnelle est nécessaire, il obtient un rendez-vous pour le lendemain en raison d’une autre annulation survenue plus tôt dans la journée. Lequel des deux, je vous le demande, est le plus heureux ? Celui qui sait qu’il a un Père dans les cieux qui veille sur lui ou celui qui ne compte que sur lui-même ? Celui qui s’empressera de donner au suivant en reconnaissance du bienfait reçu ou celui qui se préoccupera d’amasser davantage pour parer au prochain coup dur ?
Quant à ce que la terre soit une vallée de larmes, c’est principalement vrai là où Dieu n’est pas présent, là où il n’y a pas d’amour. Cette vallée de larmes, les croyants la transforment par leur présence : «Heureux ceux qui placent en toi leur appui! Ils trouvent dans leur cœur des chemins tout tracés. Lorsqu’ils traversent la vallée de Baca, ils la transforment en un lieu plein de sources, et la pluie la couvre aussi de bénédictions. Leur force augmente pendant la marche, et ils se présentent devant Dieu à Sion» (Ps 84, 6-8). Dieu veut le bonheur de sa créature maintenant et pour l’éternité : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11, 28). Penser le contraire, c’est nier la bonté et l’amour de Dieu. La souffrance, soit dit en passant, résulte de la privation d’une chose à laquelle on est attaché. Qui ne serait attaché qu’à Dieu seul ne connaîtrait plus la souffrance car comme le dit l’apôtre Paul « J’en ai l’assurance, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).
Quant à ceux qui sont contre la vie, au sens propre, je crois qu’ils se situent bien plus du côté de ceux qui sont favorables à l’élimination de la vie à naître parce que celle-ci leur imposera diverses contraintes auxquelles ils ne veulent pas se soumettre que du côté des croyants qui défendent le droit à la vie de la conception à la mort naturelle (Evangilium Vitae, 93). Au sens figuré, je vous demanderai une dernière question : dans quel monde jouit-on le plus de la vie, fait-il le plus bon vivre ? Celui où règne l’amour de soi ou celui où se vit l’amour de Dieu et du prochain (Lc 10, 27) ?