Responsabilité

Et pourrait-on rajouter dans la même veine : État : moyen ingénieux de se dédouaner de ses responsabilités individuelles sous prétexte qu’elles seront mieux assumées par une société d’un ordre supérieur en manque chronique de moyens, chacun espérant recevoir  d’elle autant, sinon plus, que ce qu’il y aura investi.

L’une des grandes tragédies de notre époque vient de ce que nous utilisons des structures sociales comme paravents nous protégeant du souci de travailler au bien commun. Quoi que l’on fasse pour occulter la responsabilité d’œuvrer au bien de tous, les mesures sociales mises en place, celle-ci demeurera toujours car même en donnant aux personnes tout le nécessaire sur le plan matériel rien ne remplacera jamais un sourire sincère, un bon mot, le temps précieux donné gratuitement, le réconfort spirituel…

Je me souviens d’une histoire que l’on m’avait fait parvenir par courriel d’un père qui s’indignait que son fils ait été mis à pied par une grande entreprise, accusant cette dernière de tous les maux du monde et auquel le fils avait répondu avec fort d’à-propos : « Tu te souviens, papa, comment tu étais fier de me parler des rendements exceptionnels de ton fonds de retraite ? Eh bien ! C’est toi papa qui a contribué à me faire mettre à pied en exigeant des rendements sans cesse plus élevés de tes placements ». Le père n’aurait jamais mis son fils ni des milliers de travailleurs à pied, mais en investissant son argent dans des entreprises pour qui tous les moyens sont bons pour engranger davantage de bénéfices, il donnait en quelque sorte un vote de confiance à des organisations et des dirigeants qui ont fait des choix contraires à ses valeurs sans que cela ne le préoccupe d’aucune manière, aveuglé par les bénéfices retirés.

La solidarité constitue l’autre nom de la responsabilité. Quand je suis uni à mon voisin, je me sens responsable de ce qui lui arrive. Il est urgent de retrouver le sens de la solidarité, de veiller à ce que les institutions et leurs dirigeants travaillent au bien commun à long terme plutôt qu’à leur propre bénéfice et au nôtre à court terme. Cette solidarité constituait l’apanage des premières communautés chrétiennes dont les membres, conscients d’appartenir à un même corps qui était l’Église, mettaient tout en commun (Ac 2, 44). Par ailleurs, renoncer à soi-même pour le bien commun ne demeurera pas sans récompense ainsi que l’affirme Jésus : « personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple » (Mc 10, 29-30).