Sainteté

Notre première réaction  quand nous sommes placés devant cette déclaration divine est : « Seigneur, ne trouves-tu pas que tu places la barre un peu haute ? Je n’ai rien à voir avec ces êtres d’exception que l’Église a élevé à la gloire des autels ! Franchement, tu exagères, c’est hors de la portée du commun des mortels ! » Cette réaction est normale car, pour la plupart, nous ignorons ce qu’est la sainteté véritable et l’assimilons à la perfection qui, elle, n’est pas de ce monde : « Nul n'est bon (parfait) que Dieu seul (Lc 18, 19).

Modifions quelque peu la déclaration initiale et elle paraîtra beaucoup plus accessible bien que le sens n’en soit pas altéré : Soyez amour, car moi le Seigneur votre Dieu, je suis Amour (1 Jn 4, 8). C’est logique, si nous souhaitons partager la vie de Dieu pour l’éternité, il faut avoir développé au maximum en cette vie notre capacité à se laisser aimer et à répandre cet amour dont nous aurons été investis. Il n’y a qu’une perfection à viser : celle de l’amour. De la perfection de l’amour, nous ne sommes pas les maîtres d’œuvre. Nous aimons parce que Lui nous a aimés le premier (1 Jn 4, 19), c’est l’Amour accueilli qui nous rend capables d’aimer à notre tour. Nous sommes comme des réservoirs d’amour. Dieu remplit et pour recevoir davantage nous devons nous vider de ce qui a été reçu. Si un réservoir vient à se vider trop souvent ou rapidement, nous augmenterons sa capacité. Ainsi, en est-il pour Dieu qui augmente notre capacité d’amour au fur et à mesure que nous laissons écouler rapidement l’amour dont il nous a gratifiés pour en faire bénéficier les autres.

Dans cette sainteté, il n’y a pas de mérite personnel. La clé est d’accueillir l’Amour offert qui, Lui, non seulement nous rend capables d’aimer à notre tour mais nous y incite. Là se situe l’exercice de notre liberté : se rendre disponible à accueillir l’amour de Dieu mais également agir conformément aux exigences de cet à amour, à savoir aimer les autres inconditionnellement comme Dieu nous aime en dépit de nos imperfections. Si nous sommes des consommateurs prêts à recevoir tout ce que Dieu est prêt à nous offrir mais que nous nous refusons à en faire bénéficier généreusement les autres au-delà du cercle restreint de nos intimes, eh bien, la capacité de notre réservoir diminuera !

Cette sainteté est accessible à tous. Plusieurs l’atteignent même sans effort conscient de leur part : « 'Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu... ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ? ' Et le Roi leur répondra : 'Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 37-40). Là est la perfection de l’amour : laisser passer naturellement l’Amour à travers nous, aimer non en vue d’en tirer une reconnaissance quelconque mais parce que ce choix s’impose, la situation le demande, l’autre a besoin de cet Amour qui est en nous et ne demande qu’à se communiquer.