Argent et gloire

Vous pensez qu’il s’agit d’un extrait d’un discours de Jésus ? Vous n’y êtes pas, bien que Luc rapporte ces paroles : « Malheur à vous, les riches! car vous avez votre consolation » (Lc 6, 24).

Non, il s’agit plutôt du titre d’un article de Jean-François Barbe de l’édition de février-mars 2010 du magazine québécois Affaires plus et publié en page 22, que je reproduis ci-dessous pour votre bénéfice :

Les gens qui n'ont pour objectif professionnel que d'accumuler des biens et de susciter l'admiration des autres sont stressés et moins heureux que leurs collègues plus détachés. C'est la conclusion à laquelle trois chercheurs de l'Université de Rochester sont parvenus. Ils ont interrogé 150 diplômés à deux ans d'intervalle afin de mesurer leur estime de soi, leur degré d'anxiété et la présence d'émotions négatives comme la colère. Résultat : les jeunes adultes qui se sont donné pour mission de rafler les promotions et de s'enrichir présentent de nombreux symptômes d'anxiété comme les maux de tête et les pertes d'énergie. Ce qui est le contraire de ceux qui cherchent avant tout la croissance personnelle, l'équilibre familial et l'engagement dans leur collectivité. Selon les psychologues, auteurs de l'enquête publiée dans le Journal of Research in Personality (juin 2009), entretenir des objectifs purement matériels est un piège, car le bénéfice disparaît dès que le but est atteint. Par exemple, la bonne évaluation du patron n'est valable que pour une période déjà écoulée. La prochaine, elle, se méritera au prix de longues heures de travail et de renoncements, comme d'annuler des sorties avec sa conjointe ou des matchs de hockey entre copains. Ces sacrifices causent en fin de compte colère et découragement.

Cela vous surprend que de tels propos émanent de la bouche de scientifiques et qu’ils soient rapportés par une revue d’affaires ? Moi, pas. Dieu veut le bonheur de l’homme, de tous les hommes, et les préceptes que l’on retrouve dans la Bible ne poursuivent que ce but. Je trouve formidable qu’une recherche vienne prouver de façon objective ce que Jésus pouvait dire il y a deux mille ans à savoir que cela entraîne des conséquences négatives de faire de l’argent et de la gloire une fin à atteindre.

L’évangéliste Matthieu rapporte onze fois l’utilisation du mot malheur par Jésus. À huit reprises s’en sert-il pour menacer quelqu’un de représailles pour une mauvaise conduite qui a des conséquences négatives sur les autres dont sept concernent les scribes et les pharisiens parce qu’ils égarent les personnes sous leur charge des fins souhaitées par Dieu, leur fermant le Royaume des Cieux (Mt 23, 13-29). Pour la même raison menace-t-il ceux qui entraînent les autres par leur mauvais exemple: « Malheur au monde à cause des scandales! Il est fatal, certes, qu'il arrive des scandales, mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive! » (Mt 18, 7). À trois autres occasions Jésus utilise ce mot non pour menacer mais pour se désoler du sort de quelqu’un : ainsi plaint-il les habitants de Chorazeïn et de Bethsaïde parce qu’il n’ont pas changé leur conduite malgré les miracles qu’il y a effectués (Mt 11, 21), se désole-t-il des souffrances des femmes qui seront enceintes ou auront des bébés lorsque surviendra la grande tribulation de la fin des temps (Mt 24, 19) et, enfin, déplore-t-il le sort de celui qui allait le livrer (Mt 26, 24). Dieu ne veut pas le malheur de l’homme même s’il se détourne de lui. Jésus en croix n’a-t-il pas dit : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23, 34) ? Cependant, qui détourne les autres du bien et de Dieu ne doit pas s’attendre à voir une telle conduite demeurer impunie parce qu’elle s’oppose à l’amour de Dieu pour tous et que, fils d’un même Père, nous sommes solidairement responsables les uns des autres.