Humilité

L’humilité véritable ne consiste pas à se déprécier (dans l’espoir conscient ou non qu’une connaissance fasse l’éloge de nos mérites). Elle réside dans le constat de l’importance, voire la nécessité de la présence  de l’autre, des autres, du Tout-Autre, de Dieu. Cette reconnaissance de l’importance de l’autre, elle se manifeste dans notre désir et notre capacité de l’écouter. À un ingénieur en devenir qui m’interrogeait sur les aptitudes requises pour exceller dans sa profession, je répondis qu’une seule suffisait : écouter les gens, particulièrement les travailleurs qui exécutent les tâches. En effet, les meilleurs ingénieurs que j’ai rencontrés avaient ceci en commun qu’ils n’entreprenaient jamais rien sans avoir consulté et pris en compte l’avis des personnes dont le travail allait être modifié par leurs décisions, alors que ceux dont le taux d’échec était plus élevé se reposaient quasi exclusivement sur leur science et imposaient dans leur prétention leur point de vue aux autres.

Il n’en va pas autrement sur le plan spirituel. Lorsqu’on parle d’humilité, tous ont en tête le lavement des pieds des disciples par Jésus le soir de la dernière Cène. Dans l’épisode des disciples d’Emmaüs, qui s’en retournent chez eux déçus de la tournure des événements après que Jésus soit mort sur la croix, ce dernier s’approche d’eux et les écoute exprimer toute leur déception. Quelle délicatesse ! Il ne leur adresse aucun reproche, mais les écoute, leur expliquant au besoin ce qui demeure pour eux incompréhensible. Quelle humilité ! Il ne se révèle même pas à eux. Ils ne le reconnurent qu’à la fraction du pain, signe que désormais Jésus se manifestera à ses disciples via le pain eucharistique. Nous disons-nous chrétiens ? Prenons-nous le temps d’écouter les autres, leur désappointement particulièrement leurs attentes déçues au plan spirituel, leur exposant, au besoin, une vision alternative ou, au contraire, cherchons-nous à les convertir à notre point de vue par des paroles qui s’apparentent plus à un monologue qu’à un dialogue ?  La spiritualité est la science de l’Amour et l’amour est écoute, donc humilité. Si grande et ardente que puisse être notre foi, nous trahissons ce Dieu, dont nous avons pourtant les intérêts à cœur, chaque fois que nous n’écoutons pas assez les autres, que nous manquons d’humilité. Prenons également exemple sur Marie, mère de Jésus et de l’Église, elle qui a été l’humble servante du Seigneur  (Lc 1,38) et à laquelle les catholiques ont consacré le mois de mai.