Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
11 Juillet 2010 Pensées
Justice
L'amour de la justice n'est pour la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice.
– François de La Rochefoucauld (1613-1680)
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La justice ne stipule que les conditions minimales pour qu’il soit viable d’évoluer en société. Se donner des règles pour qu’il ne soit pas fait ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse est un bon point de départ mais nettement insuffisant pour créer un climat où il fait bon vivre. La justice a des limites. La Loi vient-elle de Dieu lui-même, fut-ce la Torah du peuple Juif, qu’elle a aussi ses limites si elle demeure extérieure au cœur de l’homme comme l’illustre la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 25-37).
Pour mettre Jésus à l'épreuve, un docteur de la Loi lui posa cette question : « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit ? Que lis-tu ? » L'autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie. » Jésus répond au docteur de la Loi de faire ce qu’il enseigne, que les gestes suivent les paroles. Mais ce dernier sait par expérience que chercher à se conformer à la Loi est nettement insuffisant pour créer un monde meilleur et qu’au surplus comme il s’avère impossible de s’y conformer parfaitement en raison de notre faiblesse comme l’a constaté par la suite l’apôtre Jean (Si nous disons: "Nous n'avons pas de péché", nous nous abusons, la vérité n'est pas en nous (1 Jn 1, 8)) cela ne suffit pas non plus pour donner accès à la vie éternelle. Mais lui, voulant se justifier, voulant aller plus loin, s’assurer d’être compté parmi les justes et ainsi avoir accès à la vie éternelle, dit à Jésus: "Et qui est mon prochain?"
Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l'avoir dépouillé, roué de coups, s'en allèrent en le laissant à moitié mort. J’ai découvert ce matin un texte de Sévère d’Antioche qui donne à cette phrase une portée beaucoup plus grande que je ne l’avais jamais imaginé : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. » Le Christ... n'a pas dit « quelqu'un descendait » mais « un homme descendait », car le passage concerne toute l'humanité. Celle-ci, par suite de la faute d'Adam, a quitté le séjour élevé, calme, sans souffrance et merveilleux du paradis, nommé à bon droit Jérusalem - nom qui signifie « la Paix de Dieu » - et est descendu vers Jéricho, pays creux et bas, où la chaleur est étouffante. Jéricho, c'est la vie fiévreuse de ce monde, vie qui sépare de Dieu... Une fois donc que l'humanité s'est détournée du bon chemin vers cette vie..., la troupe des démons sauvages vient l'attaquer à la manière d'une bande de brigands. Ils la dépouillent des vêtements de la perfection, ils ne lui laissent aucune trace de la force d'âme, ni de la pureté, ni de la justice, ni de la prudence, ni de rien de ce qui caractérise l'image divine (Gn 1,26), mais la frappant ainsi par les coups répétés des divers péchés, ils l'abattent et la laissent enfin à demi morte...
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l'autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l'autre côté. Passent des gens respectueux de la Loi mais qui ne font rien car il n’y a pas dans la Loi d’obligation de porter assistance à un étranger en détresse. La loi interdit les comportements antisociaux Tu ne commettras pas d'adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas (Rm 13, 9) mais n’oblige pas à la compassion envers celui qui se retrouve dans le besoin. Peut-on même penser à l’obliger car il doit s’agir d’un élan qui doit provenir du fond du cœur s’il est pour porter l’effet désiré ?
Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié. Il s'approcha, pansa ses plaies en y versant de l'huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent, et les donna à l'aubergiste, en lui disant : 'Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai. ' Sévère d’Antioche associe le Christ au Samaritain : Le Christ se donne exprès le nom de Samaritain. Car... c'est lui-même qui est venu, accomplissant le dessein de la Loi et faisant voir par ses œuvres « qui est le prochain » et qu'est-ce que « aimer les autres comme soi-même ».
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répond : « Celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi fais de même. » Je crois que l’on peut également associer au Samaritain tous les non-Juifs, tous les chrétiens, les croyants d’autres religions et même ceux qui ne connaissent pas Dieu qui, s’ils aiment leur prochain comme eux-mêmes et suivent l’esprit de la Loi (même sans la connaître explicitement et s’ils la connaissent ne se bornent pas à sa lettre) se voient ouvrir les portes du salut.
Et nous, saurons-nous dépasser les exigences de la justice et faire preuve de compassion envers autrui lorsque l’occasion se présentera ? Peu importe nos croyances, notre salut dépendra de la qualité de notre réponse.