Limites

Les limites auxquelles nous nous heurtons ou, pire, que nous imposons aux autres, existent bien plus souvent dans le seul regard que nous portons sur nous-mêmes, les choses ou les autres qu’elles ne sont supportées par la réalité. Les personnes victimes de contraintes physiques disent que leur pire handicap se situe dans les yeux de ceux qu’elles croisent. Le manque de confiance en soi, dans les autres et en Dieu, restreint grandement notre champ d’action et celui des autres. Si, par malheur, l’orgueil vient s’y greffer avec la peur de l’échec qu’il inspire, ce sera la paralysie totale car nous n’oserons plus rien entreprendre d’inédit. La persévérance ne consiste pas à rester devant une porte jusqu’à ce qu’elle s’ouvre mais d’explorer toutes les avenues et se tenir devant celle qui a le plus de chance de s’ouvrir éventuellement, se limiter à une seule option relevant plus de l’entêtement que d’une attitude avisée.

Le spirituel, de par sa foi en Dieu à qui rien n’est impossible (Lc 1, 37), ne fixe pas à priori de limites, non qu’il n’ait conscience de celles qui lui sont propres mais en raison même de celles-ci : « Ma grâce te suffit: car la puissance se déploie dans la faiblesse." C'est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. » (2 Co 12, 9). Il est encouragé par Jésus lui-même à la persévérance : « il leur dit une parabole (celle du juge inique) sur ce qu'il leur fallait prier sans cesse et ne pas se décourager » (Lc 18, 1). Le spirituel doit cependant prendre garde de ne pas s’écarter de la volonté divine et demeurer éveillé aux motions de l'Esprit qui vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut (Rm 8, 26). L’apôtre Paul lui-même ne s’est pas obstiné devant les portes qui se sont fermées devant lui mais est demeuré disponible pour en explorer d’autres : « Ils parcoururent la Phrygie et le territoire galate, le Saint Esprit les ayant empêchés d'annoncer la parole en Asie. Parvenus aux confins de la Mysie, ils tentèrent d'entrer en Bithynie, mais l'Esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils traversèrent donc la Mysie et descendirent à Troas. Or, pendant la nuit, Paul eut une vision: un Macédonien était là, debout, qui lui adressait cette prière: "Passe en Macédoine, viens à notre secours!" Aussitôt après cette vision, nous cherchâmes à partir pour la Macédoine, persuadés que Dieu nous appelait à y porter la Bonne Nouvelle. » (Ac 16, 6-10).