Parabole de l'homme parti se faire nommer roi

Jésus n’est-il pas l’homme de la grande noblesse parti dans le pays lointain de la mort pour se faire nommer roi ? Les paroles de l’apôtre Paul aux Philippiens vont en ce sens : Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus: Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix! Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (Ph 2, 5-11). Quant à son éventuel retour, on peut difficilement y voir autre chose que le moment du Jugement compte tenu de la suite du texte qui s’inscrit dans la lignée des paroles plus explicites de Jésus rapportées par Matthieu : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres… » (Mt 25, 31-32).

Ses ennemis, ceux qui n’ont pas voulu qu’il règne sur eux, sont ceux qui nient l’existence de Dieu et la seigneurie du Christ et /ou qui vivent sans se soucier des préceptes divins, comme si Dieu n’existait pas. L’apparente impunité dont ils jouissaient ici-bas aura à n’en pas douter une fin : amenez-les ici et mettez-les à mort devant moi.

La question qui demeure est : Comment fait-on fructifier le patrimoine, la pièce d’or, qui nous a été remis en fidéicommis ?

Selon la pensée mondaine, on imagine aussitôt que c’est développer au maximum ses capacités, accumuler la richesse et autres choses du même genre. Mais cela, les païens n’en font-ils pas tout autant ? (Mt 5, 47). De plus cela serait contraire aux sentiments qui sont dans le Christ Jésus qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de nous enrichir par sa pauvreté (2 Co 8, 9). La façon chrétienne de faire fructifier le patrimoine qui nous a été confié est de le mettre au service des autres. Dans cette étrange comptabilité qui est celle de l’amour, celui qui donne ne s’appauvrit pas mais enrichit les autres, de sorte que se multiplie la richesse plus qu’elle ne se répartit. C’est ce qu’a connu matériellement la veuve de Sarpepta pour avoir partagé le peu qui lui restait avec le prophète : « La jarre de farine ne s'épuisa pas et la cruche d'huile ne se vida pas, selon la parole que Yahvé avait dite par le ministère d'Élie » (1 R 17, 16). Viendrions-nous à nous appauvrir effectivement en ce monde, nous avons la certitude que notre peine ne demeurera pas sans récompense : « Faites-vous, des amis avec l'Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » (Lc 16, 9).

Qui, enfin, est celui qui remet la pièce d’or qui lui a été confiée sans plus ? C’est celui qui, sans rien faire d’explicite  pour rejeter Dieu comme ceux qui ont déclaré qu’ils ne voulaient pas qu’Il règne sur eux, jouit égoïstement du patrimoine mis gracieusement à sa disposition par le Créateur. C’est celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s'enrichir en vue de Dieu (Lc 12, 21), celui qui ignore la gratuité de l’amour et la joie du partage. Cet homme est celui qui ne se branche pas, confesse Dieu de la bouche mais ne conforme pas ses actes à la foi professée, celui que l’Apocalypse qualifie de tiède : « Je connais ta conduite: tu n'es ni froid ni chaud — que n'es-tu l'un ou l'autre! — Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. Tu t'imagines: me voilà riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien; mais tu ne le vois donc pas: c'est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu! » (Ap 3, 15-17).