Passé

On ne progresse pas dans la vie en s’attachant à son passé ou en se le remémorant, pas plus que l’on avance en automobile en regardant dans le rétroviseur.

Tout changement implique une période de transition pendant laquelle on perd généralement une partie des bénéfices de notre situation antérieure sans pouvoir jouir encore des avantages escomptés du but poursuivi. Il est alors fort invitant d’idéaliser notre état précédant et, oubliant les inconvénients qui le rendait inacceptable, de se mettre à souhaiter retourner en arrière. C’est exactement ce qu’a vécu le peuple juif qui, malgré qu’il ait vu la puissance du bras de Dieu qui l’a délivré de l’esclavage en Égypte, se met à plusieurs reprises à douter de la bonté de Dieu et de son représentant Moïse alors qu’il est en marche vers la Terre promise symbolisant le Royaume de Dieu à venir : « Qui nous donnera de la viande à manger? Ah! quel souvenir! le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, les concombres, les melons, les laitues, les oignons et l'ail! Maintenant nous dépérissons, privés de tout; nos yeux ne voient plus que de la manne! » (Nb 11, 4-6) « Que ne sommes-nous morts au pays d'Égypte! Que ne sommes-nous morts du moins en ce désert! Pourquoi Yahvé nous mène-t-il en ce pays pour nous faire tomber sous l'épée, pour livrer en butin nos femmes et nos enfants? Ne vaudrait-il pas mieux retourner en Égypte? » (Nb 14, 2-3) « Nous ne viendrons pas. N'est-ce pas assez de nous avoir fait quitter une terre qui ruisselle de lait et de miel pour nous faire mourir en ce désert, que tu veuilles encore t'ériger en prince sur nous? Ah! ce n'est pas une terre qui ruisselle de lait et de miel où tu nous as conduits, et tu ne nous as pas donné en héritage champs et vergers! » (Nb 16, 12-14). Et pourtant doit-on rappeler que ce peuple vivait en esclavage en Égypte privé de toute liberté ? Si la Terre promise symbolise le Royaume, l’Égypte symbolise le péché et l’attachement aux choses matérielles qui nous mettent sous le joug de leur esclavage et nous privent de la liberté pourtant souhaitée par Dieu pour ses enfants. Aussi ténu que soit cet attachement il nous empêche d’accéder à la vie voulue par Dieu pour nous : « Peu importe qu’un oiseau soit retenu par un fil mince ou épais : tant qu’il ne l’aura point brisé, il sera incapable de voler » (Jean de la Croix). Cela est particulièrement vrai de ces péchés d’aspect inoffensif que nous qualifions de mignons. Méditons enfin à ce qui est arrivé au peuple juif et qui pourrait constituer notre propre sort : « La colère de Yahvé s'enflamma contre Israël et il les fit errer 40 ans dans le désert, jusqu'à ce que disparût tout entière cette génération qui avait fait ce qui déplaît à Yahvé » (Nb 32, 13).