Tradition

Refaire les mêmes choses que ceux qui nous ont précédés relève plus de l’imitation que de la tradition. Une recette donnée n’est gagnante que dans un contexte précis. Qui s’entête à appliquer la même recette, sans égard à l’évolution des conditions contextuelles, s’expose à connaître l’échec. La sagesse requiert que l’on analyse les causes fondamentales de ce qui a bien fonctionné pour faire ressortir les attitudes à son origine afin de recréer un état d’esprit propice qui permette de s’attaquer avec succès à des conditions changeantes. On parle de tradition lorsqu’une  philosophie de vie se transmet sur plus d’une génération, même si son expression diffère quant aux moyens, car elle n’est pas alors le fait de certaines personnes en autorité mais de l’entité sociale concernée en tant que telle. On ne peut que déplorer que certaines traditions se vident de leur sens et en en viennent à se limiter aux moyens qui en sont l’expression, telle la Thanksgiving américaine à laquelle on associe plus la dégustation d’une dinde en famille que l’occasion de rendre grâce à Dieu pour les bienfaits reçus au cours de la dernière année.

L’Église constitue l’une des institutions où la Tradition est la plus forte. Certains n’y voient que rigidité et ils ont raison en ce que l’Église demeure inflexible quant aux principes de la foi qu’elle confesse et du mal dont elle exhorte le monde, et particulièrement ses fidèles, de se garder  et qu’elle désigne sous le nom de péché. Être fidèle à la Vérité, en témoigner n’est pas une option pour elle mais une obligation: « c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile! » (1 Co 9, 16). Cependant, la pensée de l’Église évolue continuellement quant aux moyens à mettre en œuvre pour conformer notre vie au message d’amour que nous a laissé Jésus Christ et qu’elle a consigné dans le Compendium de sa doctrine sociale où l’on retrouve clairement affirmé le souci du respect de la tradition dans le sens que Valéry lui a donné : « Orientée par la lumière éternelle de l'Évangile et constamment attentive à l'évolution de la société, la doctrine sociale est caractérisée par la continuité et par le renouvellement » (CDSE 85),  elle se présente comme un « chantier » toujours ouvert, où la vérité éternelle pénètre et imprègne la nouveauté contingente, en traçant des voies de justice et de paix. La foi ne prétend pas emprisonner dans un schéma fermé la réalité socio-politique changeante. C'est plutôt l'inverse: la foi est un ferment de nouveauté et de créativité. L'enseignement qui prend continuellement en elle son point de départ « se développe par une réflexion menée au contact des situations changeantes de ce monde, sous l'impulsion de l'Évangile comme source de renouveau » (CDSE 86).