Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
27 Janvier 2011 Pensées
Transparence
Il n'y a rien de caché qui ne doive être manifesté et rien n'est demeuré secret que pour venir au grand jour.
Marc 4, 22
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Étonnant que je n’aie pas trouvé d’autre citation sur la nécessité de la transparence ailleurs que dans la Bible ! Le plus grand bénéficiaire du secret est le mal. Difficile de s’attaquer à un mal que l’on tait ou que l’on nie. La force des organisations criminelles comme la mafia réside dans la loi du silence, l’omerta, qu’elles imposent. Qui refuse de faire tout en son possible pour que la lumière soit faite sur un mal et ses effets, coopère avec celui-ci en lui permettant de perdurer par son silence ou celui qu’il impose aux autres. Certains prétendent qu’il suffit de traduire en justice les criminels présumés pour faire échec au mal. Je ne suis pas d’accord avec cette position. Si on ne met pas en lumière les procédés utilisés par les criminels, si on ne travaille pas autrement que par la répression et qu’on ne met pas en place des mesures efficaces pour éviter que ne se reproduisent les causes du mal subi, d’autres individus prendront tout simplement la relève de ceux qui auront été mis hors d’état de nuire par l’emprisonnement, entre autres moyens, et le mal perdurera.
Je ne connais qu’une façon de faire échec au mal : le mettre en lumière, faire connaître ses mécanismes, ses effets. Et cela vaut non seulement pour les organisations criminelles mais tout mal quel qu’il soit. Je vous propose la lecture d’un article du journal le New Yorker Does Football Have a Future? The N.F.L. and the concussion crisis où le journaliste démontre le rôle important d’un collègue d’un autre quotidien, Alan Schwarz du Times, qui, en mettant en lumière les effets dévastateurs sur la santé de la pratique de ce sport, notamment les commotions cérébrales à répétition, a forcé la très puissante NFL aux États-Unis à s’attaquer aux causes d’un problème qu’elle connaissait mais qu’elle préférait ignorer jusqu’alors. Pourquoi Schwarz et pas un autre journaliste ? L’article nous révèle que Schwarz n’était pas lié au monde du football avant de s’intéresser aux problèmes sérieux de santé expérimentés par d’ex-joueurs et n’avait donc aucun intérêt personnel à protéger, de privilèges relatifs au football qu’on eusse pu lui enlever, ce qui le rendait plus libre dans l’exercice de son métier.
La transparence n’a pas que d’effets bénéfiques que dans la lutte au mal. Le meilleur patron que j’ais jamais eu, était en charge des ventes en plus d’occuper la présidence de l’entreprise. Il me disait qu’une des raisons de son succès est qu’il ne posait jamais un geste, comme accorder un rabais à un client spécifique, qu’il n’aurait pas pu justifier aux autres clients et le leur en donner un similaire s’ils venaient à rencontrer les mêmes critères qui avaient justifié une baisse de prix. Agissant toujours comme si faits et gestes allaient toujours être connus de tous, il a toujours traité chacun avec équité qu’il soit client, fournisseur ou employé.
La transparence n’a certes pas la même connotation dans le domaine spirituel que dans le monde. Elle n’en est pas moins nécessaire. Personnellement, je me méfie de toute organisation religieuse secrète ou qui dit détenir des secrets qui ne sont connus que de ses membres ou d’une partie de ceux-ci. Dieu se révèle à tous les hommes et ne fait acception de personne. S’il comble certains de ses grâces plus que d’autres, ce n’est pas pour leur bénéfice propre mais pour qu’ils les mettent au service du bien commun : « À chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun » (1 Co 12, 7). Cacher la lampe sous le boisseau, plutôt que de la mettre sur le lampadaire (Mc 4, 21), est une conduite indigne d’un spirituel dont l’agir doit être inspiré par l’amour, amour qui est la nature même du Dieu qu’il dit servir. Chiara Lubich dans son livre Le Christ au cœur des siècles rapporte les propos d’Augustin d’Hippone sur la charité : « Ils peuvent bien tous se signer du signe de la croix du Christ ; tous répondre : Amen ; tous chanter : Alléluia ; être tous baptisés, entrer dans les églises, bâtir les murs des basiliques, les fils de Dieu ne se discernent des fils du diable que par la charité. Ceux qui ont la charité sont nés de Dieu. Là est le grand signe, le grand principe de discernement. Aie tout ce que tu voudras : si cela seul te manque, le reste ne sert de rien ; mais si tout le reste te manque et que tu aies la charité, tu as accompli la Loi… ». Or, il ne saurait y avoir de charité sans transparence ou universalité de destinataires, tous étant enfants de Dieu ou, à tout le moins, appelés à le devenir.
Enfin, je n’ai jamais connu de personne amoureuse qui ne laisse transparaître de quelque manière l’amour qui l’anime, aussi fort qu’elle pourrait tenter de le cacher, ses proches remarqueront que quelque chose d’essentiel a changé en elle. Ainsi en est-il du spirituel qui, s’il veut mériter pleinement le titre de chrétien (Ac 11, 26), doit laisser transparaître à travers lui l’image de la personne aimée, le Christ, aimer du même amour dont il se sait aimé par Dieu. Certes, le spirituel peut interpréter les paroles de Jésus comme une invitation à la prédication mais c’est d’abord et avant tout de manifester dans sa personne l’amour de Dieu, sans quoi ses paroles, aussi enflammées puissent-elles être, demeureront vaines.