Démagogies

Démagogie : Politique par laquelle on flatte, excite, exploite les passions des masses; état politique dans lequel la multitude commande au pouvoir (Dictionnaire le Petit Robert).

En quoi les démagogies se révèlent-elles dangereuses ? En ce que, pour rallier la faveur populaire, elles ne se soucient que de choses perçues comme désirables dans l’immédiat sans se soucier, ou très peu, des implications à long terme des choix effectués, choix à courte vue qui, lorsque répétés sur de longues périodes, se révèlent désastreux, voire irrémédiables, que Péguy qualifie de ruines éternelles.

Les sociétés cotées en bourse constituent de véritables démagogies. Elles sont prêtes à tout pour satisfaire la recherche de profits à court terme d’actionnaires insatiables. Elles rémunèrent leurs dirigeants sur la base des résultats courants ce qui pousse ceux-ci à prendre des risques inconsidérés, certains allant même jusqu’à falsifier les données financières, afin d’afficher les résultats courants les plus élevés possible et de ce fait maximiser leur rémunération actuelle, le tout sans se préoccuper outre mesure de la rentabilité et même de la survie à plus longue échéance des organisations auxquelles ils sont sensés être au service.

S’agit-il des choses de l’âme que le terme « ruines éternelles » se révèle particulièrement approprié puisqu’il n’est rien que celle-ci puisse faire pour améliorer son sort après qu’elle ait quitté le corps ainsi que l’illustre la parabole du riche et de Lazare. Le riche, qui dans son égoïsme ne s’était jamais préoccupé du pauvre Lazare qui gisait près de son portail, dans l'Hadès, en proie à des tortures, lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein. Alors il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme. Mais Abraham dit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté. Ce n'est pas tout: entre nous et vous un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d'ici chez vous ne le puissent, et qu'on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous » (Lc 16, 19-26). Aujourd’hui, non seulement y a-t-il encore des gens qui meurent faute d’être nourris convenablement mais s’en trouve-t-il, peut-être plus nombreux encore, qui ont faim et soif de Vérité. Riches de la Parole de Dieu, il est du devoir des spirituels de partager le trésor qui leur a été confié, le dépôt de la foi, pour en faire bénéficier le plus grand nombre. « Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile! » (1 Co 9, 16 nous dit l’apôtre Paul.

Pour ma part, je suis fier d’appartenir à une Église qui ne cède pas à la tentation de retrancher quoi que ce soit aux Saintes Écritures et aux enseignements de la Tradition afin de tenter de plaire à un plus grand nombre dans l’immédiat. Le spirituel ne recherche pas la faveur populaire mais celle Dieu quitte à payer sa fidélité du prix de sa vie comme son maître le Christ ou encore son précurseur Jean Baptiste qui fut assassiné pour avoir proclamé qu’Hérode n’avait pas le droit de vivre avec Hérodiade la femme de son frère Philippe (Mt 14, 1-12).

Auparavant Jérémie avait mis lui aussi sa vie en danger pour rendre témoignage à la vérité plutôt que de se taire ou pire de conforter ses contemporains dans leur mauvaise conduite : « Cet homme mérite la mort, car il a prophétisé contre cette ville ; vous l'avez entendu de vos oreilles… C'est le Seigneur qui m'a envoyé prophétiser contre ce Temple et contre cette ville, et dire toutes les paroles que vous avez entendues. Et maintenant, changez de route, conduisez-vous bien, écoutez l'appel du Seigneur votre Dieu ; alors il renoncera au malheur qu'il a décrété contre vous. Quant à moi, me voici entre vos mains, faites de moi ce qui vous semblera bon et juste. Mais sachez-le bien : si vous me faites mourir, c'est d'un sang innocent que vous allez vous charger, vous-mêmes et cette ville et tous ses habitants. Car c'est vraiment le Seigneur qui m'a envoyé prononcer toutes ces paroles pour que vous les entendiez » (Jr 26, 11-15).

Après Jésus, l’apôtre Paul incite son disciple Timothée, et nous à travers lui, à rendre témoignage à la Vérité envers et contre tous quoi qu’il puisse lui en coûter : « Je t'adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne: proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d'instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l'oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. Pour toi, sois prudent en tout, supporte l'épreuve, fais œuvre de prédicateur de l'Évangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministère » (2 Tm 4, 1-5).

Spirituels, résistons à la tentation de plaire au plus grand nombre et témoignons de la Vérité sans y ajouter ou en retrancher afin d’avoir part à la récompense promise par Jésus lui-même : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité: avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera l'un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le Royaume des Cieux; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des Cieux » (Mt 5, 17-19).