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Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui

La vraie question

 

 

La vraie question

 

Aujourd’hui nous allons inverser les rôles. Le commentaire se retrouve en encadré pour laisser toute la place à la personne citée, en l’occurrence Hervé Kempf. Avant d’investir des efforts et des sommes considérables de milliers de milliards de dollars pour sauver le système capitaliste, il faut se demander si ce système vaut la peine d’être sauvé.

 

Faut-il le rappeler, ce système, par la surconsommation qu’il encourage, nous a amenés au bord du désastre écologique. Vu de cet œil, la crise économique et la baisse de consommation qu’elle entraîne, ne peut être que salutaire pour la planète. Aurons-nous le courage d’accepter de réduire notre train de vie, d’oser le partage et la solidarité ?

 

Sommes-nous spirituels que nous devons nous interroger si nous voulons supporter un système qui a érigé l’individu en un dieu pour abandonner le Dieu véritable ? Elle est encore bien d’actualité cette parole du Christ : « Nul ne peut servir deux maîtres: ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent » (Mt 6, 24). Souhaitons-nous continuer à vivre et soumettre l’environnement avec nous à la servitude de l’argent ou consacrerons-nous nos énergies à vivre de façon plus responsable, plus juste, plus solidaire, à entrer dans ce que certains ont appelé la civilisation de l’amour ?

 

 

 

Je vous invite à écouter attentivement l’entrevue de Frank Desoer avec le journaliste Hervé Kempf mise en ondes à l’émission Desautels de la première chaîne de Radio-Canada le 11 février 2009 à 18 :13 heures en cliquant sur le lien hypertexte ci-dessous. Monsieur Kempf fait, à mon avis une analyse très pertinente de la crise qui nous afflige et du changement de mentalité qui devra s’opérer si nous voulons nous en sortir tant du côté économique qu’environnemental.

 

Pour ceux qui préfèrent le format texte j’ai retranscrit l’entrevue sous le lien hypertexte.

 

http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia%3Dhttp://www.radio-canada.ca/Medianet/2009/CBF/Desautels200902111813_1.asx

 

Retranscription de l’entrevue :

 

—Hervé Kempf est-ce qu’on peut dire que pour vous la récession économique que l’on vit actuellement représente beaucoup plus que les effets conjoncturels ou passagers d’une crise financière, c’est en quelque sorte le symptôme d’une crise plus fondamentale, crise d’un modèle économique, culturel, social ?

 

—Oui, c’est en fait les premiers pas de la grande transformation qui va nous faire sortir du capitalisme. Il ne faut pas voir cette crise comme un moment passager et douloureux et puis après on reviendrait en (arrière) dans la situation précédente en 2006 avec la croissance qui reprendrait et tout qui reprendrait comme avant. On est vraiment, à mon avis, à la fin d’une forme historique, on est à la fin du capitalisme et la question c’est d’aller vers un monde nouveau, vers une société nouvelle, vers une économie nouvelle qui prendra réellement en compte la question écologique qui est absolument fondamentale et que le capitalisme était incapable de traiter et puis aussi qui prenne en compte la crise sociale et les problèmes d’inégalité sociale qui sont devenus criants dans les trente dernières années.

 

—Et crise d’un modèle qui a presque sacralisé aussi l’individualisme à tous les niveaux ?

 

—C’est même, finalement quand on regarde on ne trouve pas aisément des définitions du capitalisme bizarrement. Et moi je définis le capitalisme en m’appuyant sur des grands auteurs comme  Karl Polanyi, comme en fait une sorte de philosophie. Une philosophie qui considère que l’homme, la personne humaine, est d’abord un individu qui cherche à maximiser son intérêt, son profit, et puis qui considère que toutes les relations humaines doivent être organisées selon le marché. Certes il cherche à « marchandiser » l’ensemble des relations humaines à en faire un commerce. C’est effectivement cette philosophie, ce modèle dont il faut sortir qui a atteint un point d’exagération énorme dans les trente dernières années et il nous faut effectivement… et bizarrement la clé de la sortie elle ne sera pas d’abord dans les recettes économiques, elle ne sera pas dans des façons de faire, elle sera dans une façon d’être ensemble, de retrouver une autre philosophie de la société qui ne mette pas l’individu au premier plan mais qui mette au premier plan la communauté, la solidarité, la coopération, le bien commun.

 

 —Alors, pour tenter de remédier à cette crise que l’on a décrite, les gouvernements occidentaux et celui des États-Unis, de façon particulière, ont présenté d’ambitieux programmes de dépenses publiques là, des programmes qui misent notamment sur les énergies renouvelables, les technologies vertes, et ce genre de solutions vous laisse passablement sceptique.

 

—Oui malgré, ce n’est pas la grande amitié, mais la grande estime et le grand espoir qu’on peut porter dans le nouveau président des États-Unis, Barak Obama, qui est manifestement quelqu’un qui a compris beaucoup de choses, qui est totalement différent de l’ancienne équipe Bush /Cheney. Voilà, Barak Obama est incontestablement porteur d’un nouveau regard notamment sur la question sociale, sur l’évolution de son pays, sur la communauté internationale, mais il doit faire face au défi qui est celui des États-Unis qui est de sortir d’une économie d’endettement, de changer le mode de vie des États-Unis qui est basé sur une consommation matérielle trop exagérée, sur une consommation d’énergie trop exagérée aussi. Voilà, et ce n’est pas en rajoutant de la dette à la dette, parce que la dette des États-Unis est déjà monstrueuse que ce soit celle des États, celle des individus, celle de l’économie en général, ce n’est pas en rajoutant de la dette à la dette qu’on sortira de la situation. Il faut que l’ensemble des pays développés, l’ensemble des pays occidentaux et la Japon comprennent qu’il nous faut changer de mode de vie, c’est-à-dire aller vers une réduction de la consommation matérielle, aller vers une baisse de la consommation d’énergie.

 

—Et à cet égard là le recours aux énergies alternatives n’est pas en soi une solution à cela ?

 

—Non, c’est pas en soi une solution. C’est pas parce qu’on mettra des éoliennes à côté des centrales thermiques et des centrales nucléaires qu’on se sortira de la situation dans laquelle on est. Si, par exemple, imaginons, on développait beaucoup les éoliennes dans tout le Canada mais qu’on continuait à extraire le pétrole des sables bitumineux, on aurait pas progressé parce que la poursuite de l’extraction de sables bitumineux, ou même du pétrole dans l’océan arctique qui est envisagée, produirait des émissions de gaz à effet de serre bien au-delà de ce que pourrait nous permettre d’économiser des éoliennes ou des toits solaires ou d’autres choses. Donc, les énergies nouvelles elles sont absolument indispensables mais elles doivent venir en deuxième position par rapport à notre première priorité : les économies d’énergie. Mais en ce moment les énergies renouvelables sont un petit peu un alibi des capitalistes pour dire vous voyez on va vers la croissance verte, et cetera … on fait du développement durable, mais en pratique on ne change rien au système, au système d’ailleurs qui ne se résume pas à la question énergétique mais bien aussi à des rapports sociaux d’inégalité, des consommations matérielles très exagérées et cetera… Donc, les énergies nouvelles, oui, mais seulement si on pose très clairement et très nettement au premier rang les économies d’énergie et ensuite l’efficacité énergétique.

 

—Mais ça, par définition, c’est très difficile à vendre monsieur Kempf, hein ? Je pense particulièrement à cet échange que vous évoquez dans votre ouvrage avec l’ex-dirigeant du patronat français, Guillaume Sarkozy, parent probablement avec l’autre ?

 

—Oui, oui, c’est son frère, hein !

 

—C’est son frère, oui, qui vous avait dit ironiquement : « Bah ! ça va être vachement bien, demain on va vivre moins bien qu’aujourd’hui, et demain on va retourner à la bougie sans téléphone portable. »  Comment est-ce qu’on peut mobiliser les gens là-dessus ?

 

—Écoutez ! D’abord, moi je n’ai pas à mobiliser les gens. Je crois simplement que les gens, nos concitoyens, les peuples de tous les pays de la terre, les humains, ils ont envie de prendre garde à leurs enfants, à leur génération, au monde dans lequel ils vivent, ils sont soucieux du bien commun, ils sont soucieux de la société et je pense pas que s’ils avaient vraiment le choix entre, par exemple, un téléphone portable et l’avenir de la planète pour employer de grand mots, je ne crois pas qu’il y aurait une seule personne sur terre qui hésiterait. Donc, ça c’est un premier point. Le deuxième point, il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre. Moi je me rappelle très bien c’était avec une de vos collègues à la radio, il y a deux ans, on avait discuté un petit peu, et elle m’a dit : « Finalement ce que vous nous racontez c’est un peu comme être dans les années soixante-dix, ou finalement on avait des radios, des télés, on avait des voitures, on vivait pas si mal !» J’ai dit : « Oui, il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre, il s’agit de réduire notre consommation matérielle, mais on ne va pas abandonner toutes les automobiles, on ne va pas abandonner tous ces objet qui ont bien sûr une utilité, mais on va aller vers une société qui sera beaucoup plus soucieuse de sa consommation énergétique et de son impact sur l’environnement. Et puis, avoir moins d’objets, avoir moins de consommation, c’est aussi investir plus, ou plus exactement orienter l’activité humaine dans d’autres domaines ou là on a des manques vraiment importants : dans la santé, dans l’éducation, dans la culture, dans l’aide aux pays en développement, dans l’agriculture qui doit se redévelopper, dans le souci et la restauration des écosystèmes. Il y a plein de domaines, en fait, où on a vraiment des progrès à faire, des chantiers immenses et qui ont un impact environnemental bien plus faible. Je dirais en une formule : moins de biens plus de liens. On a besoin de plus de liens humains, de plus de solidarité, et on a besoin d’avoir moins de biens matériels.

 

—Et, d’après vous, l’une des pistes, l’une des solutions de rechange au modèle économique existant et cela est intéressant c’est notamment le Québec qui en fournit un exemple, hein? Vous citez le mouvement coopératif québécois.

 

—Le mouvement coopératif québécois. Heureusement il y a pas seulement un mouvement coopératif au Québec, il y en a aussi en France, en Europe, dans plusieurs autres pays, mais effectivement j’avais été étonné de la puissance des caisses Desjardins qui sont fondées sur un système que vous connaissez mieux que moi, je ne vais pas entrer dans le détail, un système coopératif, de mutuelle, ou finalement qui a permis à tous les Québécois dans leur histoire de s’affirmer leur indépendance, de partager en quelque sorte leur épargne et à la fois d’acquérir une indépendance économique qui a été politiquement très importante et puis aussi de ne pas tomber dans les dérives du système financier dont on a vu les ravages depuis 2007. Donc, il y a effectivement dans le modèle coopératif qu’on trouve au Québec comme en Europe, vraiment un modèle économique pour employer ce mot, un modèle économique qui est tout à fait utile et qui est porteur d’avenir, c’est-à-dire on va faire confiance aux travailleurs, on va faire confiance aux personnes qui sont employées dans une entreprise pour mettre en commun leur savoir, pour décider ensemble, pour se répartir les bénéfices de l’entreprise ou pour les investir ensemble et là on a un modèle vraiment pour l’avenir qui peut être utile par rapport à ce capitalisme devenu fou ou vous avez des spéculateurs et des dirigeants d’entreprise qui accumulent des millions de dollars de stock options ou de bonus au détriment de l’intérêt public.

 

—Il faut donc, en conclusion, Hervé Kempf, changer radicalement de modèle, donc, et sinon le danger pourrait être bien pire que le fameux âge de pierre que certains appréhendent dans le modèle écologique.

 

—De toute façon cela va changer. Ce qui est en train de se passer depuis la crise financière ouverte en 2007 c’est un grand changement. On n’est pas dans une situation où tout est calme et on a à choisir entre une chaise verte et une chaise jaune. On doit changer, de toute façon. On doit changer puisque le système, le capitalisme, arrive vraiment au bout de ses qualités et de ses défauts. Donc on va changer de société. Donc, de quelle façon on va changer c’est notre choix. Est-ce qu’on va vers un peu le modèle coopératif, solidaire, communautaire, écologique, social dont on a parlé ou est-ce qu’on va vers un modèle très autoritaire, très inégal, très violent avec de l’affrontement et des conflits autour des ressources ?

 

—Hervé Kempf, je vous remercie.

 

 

 

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