Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
21 Janvier 2011 Pensées
Audace
Fortuna audax iuvat.
– Terence (190-159), Le Phormion
La chance favorise les audacieux.
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Les opportunités n’attendent qu’à être saisies. Disponibles à un grand nombre, elles ne se laissent cependant saisir que par ceux qui ont l’audace d’avancer dans l’inconnu ou le courage d’effectuer les sacrifices requis pour en bénéficier. Hormis les privilèges liés à la naissance, celui qui regarde au-delà des simples apparences se rend compte que les gens font leur propre chance par leur travail ou par leur attitude. Plutôt que d’envier le sort de ceux que la chance semble avoir favorisés, il nous serait bien plus profitable de découvrir ce qui leur a permis de saisir les opportunités qui se sont présentées à eux et de chercher à imiter.
Si l’élection divine, le choix de certaines personnes plutôt que d’autres pour être ses prophètes, ses apôtres, ses disciples…, demeure un mystère, je suis convaincu que beaucoup plus sont pressentis par Dieu pour le servir d’une manière particulière que ceux qui occupent ces fonctions selon les paroles mêmes de Jésus : « beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » (Mt 22, 14). Si l’appel est universel, quoique dans des rôles différents, l’élection repose plus sur la qualité de la réponse que sur n’importe quoi d’autre. Les apôtres dont le récit de la première rencontre avec Jésus est relaté par les évangiles ont ceci en commun : aussitôt, laissant tout, ils le suivirent (Mc 1, 18.20). La vierge Marie, quant à elle, a répondu à l’ange : « Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole! » (Lc 1, 38). Il faut beaucoup d’audace et de courage pour tout laisser et partir pour l’inconnu, serait-ce pour Dieu. Le jeune homme riche (Mt 6, 16-22), pour sa part, n’a pas pu se résigner à tout abandonner malgré le fait que Jésus l’ait invité à le suivre. Certes, Dieu appelle qui il lui plaît, sans égard au mérite : « Dieu serait-il injuste? Certes non! Car il dit à Moïse: Je fais miséricorde à qui je fais miséricorde et j'ai pitié de qui j'ai pitié » (Rm 9, 14-15). Si l’homme n’a pas à décider du rôle prévu pour lui, il conserve la liberté de répondre favorablement ou non à l’appel d’un Dieu qui ne nous force point mais recherche notre coopération à son œuvre de salut : « Ô homme! vraiment, qui es-tu pour disputer avec Dieu? L'œuvre va-t-elle dire à celui qui l'a modelée: Pourquoi m'as-tu faite ainsi? Le potier n'est-il pas maître de son argile pour fabriquer de la même pâte un vase de luxe ou un vase ordinaire? » (Rm 9, 20-21). Comme le disait John D. Rockefeller (1839-1937) et comme le démontrent les vies de mère Teresa (1910-1997) et de Thérèse de Lisieux (1873-1897), le secret du succès, fut-il spirituel, c’est de faire les choses ordinaires de manière extraordinaire. La sainteté n’est pas une question d’appel mais de qualité de réponse puisque tous y sont appelés par Dieu et ce, malgré que certains puissent paraître plus favorisés que d’autres. C’est là l’objet de l’extrait suivant d’un texte de Thérèse de Lisieux :
Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas un égal degré de grâces, je m'étonnais en le voyant prodiguer des faveurs extraordinaires aux saints qui l'avaient offensé, comme saint Paul, saint Augustin, et qu'il forçait pour ainsi dire à recevoir ses grâces, ou bien en lisant la vie de saints que Notre Seigneur s'est plu à caresser du berceau à la tombe, sans laisser sur leur passage aucun obstacle qui les empêchât de s'élever vers lui... Jésus a daigné m'instruire de ce mystère. Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j'ai compris que toutes les fleurs qu'il a créées sont belles... Il a voulu créer les grands saints qui peuvent être comparés aux lys et aux roses ; mais il en a créé aussi de plus petits et ceux-ci doivent se contenter d'être des pâquerettes ou des violettes destinées à réjouir les regards du bon Dieu lorsqu'il les abaisse à ses pieds. La perfection consiste à faire sa volonté, à être ce qu'il veut que nous soyons. (MS A, 2 r°-v°)
La perfection n’est pas dans l’appel, si élevée que puisse être la volonté de Dieu sur nous, mais dans notre capacité à y répondre généreusement, courageusement, avec audace. Celui qui répond adéquatement à l’appel, semblera toujours avoir été favorisé de Dieu par l’observateur externe qui ignore tout des renoncements que cela aura coûtés et auxquels ce dernier n’aurait peut-être pas été prêt à consentir.