Enfer et Paradis

Contrairement à Jean-Paul Sartre, je ne crois pas que l’enfer c’est les autres. L’homme est un être de relations comme la Genèse l’indique dès le début des textes sacrés alors que Dieu dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul » (Gn 2, 18). Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26) qui est Amour (1 Jn 4, 8), « l’homme est fait pour aimer et être aimé, il est fait pour la communion, comme le sont les trois Personnes de la Trinité » (Bernard de Clairvaux, Face à la solitude, Feu et Lumière, février 2011, p. 18). Ainsi, ce ne sont pas les autres qui sont l’enfer mais plutôt se retrouver seuls alors que nous portons en nous un désir de communion. S’il peut être difficile de se retrouver seul en cette vie, d’expérimenter la solitude, il nous est toujours possible d’entreprendre des démarches pour s’ouvrir aux autres. Cependant, si nous ne nous sommes préoccupés que de nous-mêmes toute notre vie durant, nous risquons de vivre la solitude pour l’éternité, séparation des autres qui sera d’autant plus pénible que cet état sera irrémédiable et que persistera le désir de communion inscrit au cœur de notre être.

Celui qui pense accéder seul au Paradis, il s’illusionne. Les prophètes et les saints de tous temps n’ont jamais cherché à obtenir de privilèges personnels de Dieu même s’ils entretenaient une relation d’intimité avec Lui. Au contraire, ils se sont toujours faits solidaires et intercesseurs pour leurs contemporains auprès de Dieu. Ainsi trouve-t-on Abraham prier Dieu d’épargner une ville entière s’il y trouvait dix justes (Gn 18, 32). Sublime est cet épisode des textes sacrés où Dieu dit à Moïse : « J'ai vu ce peuple: c'est un peuple à la nuque raide. Laisse-moi, que je les détruise et que j'efface leur nom de dessous les cieux; et que je fasse de toi une nation plus puissante et plus nombreuse que lui! » (Dt 9, 13-14) et où ce dernier, ne cherchant pas le salut pour lui seul, intercède avec succès pour le peuple : « Mon Seigneur Yahvé, ne détruis pas ton peuple et ton héritage, lui que tu as délivré par ta grandeur et que tu as fait sortir d'Égypte à main forte. Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Jacob, et ne fais pas attention à l'indocilité de ce peuple, à sa perversité et à son péché, de crainte que l'on ne dise au pays d'où tu nous as fait sortir: Yahvé n'a pas pu les conduire au pays dont il leur avait parlé, et c'est en haine d'eux qu'il les a fait sortir, pour les faire mourir dans le désert. Mais ils sont ton peuple, ton héritage, ceux que tu as fait sortir par ta grande force et ton bras étendu » (Dt 9, 26-29). Comme le dit Chomjakov, nous n’accéderons au Paradis qu’avec les autres, Paradis qui sera une parfaite communion entre nous et avec Dieu dont celle expérimentée sur terre ne constitue que les prémices, en solidarité également avec ceux qui seront encore en pérégrination « ne cessant d’intercéder pour eux auprès du Père, offrant les mérites que nous aurons acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus » (CEC 956), passant notre ciel à faire du bien sur la terre (en continuité de celui accompli) comme y aspirait Thérèse de Lisieux.