Épreuve

Quel masochisme ! s’exclameront certains. Pourtant, il n’en est rien, toutes les épreuves n’ayant pas égale valeur devant Dieu, celles auxquelles nous nous soumettons de nous-mêmes ayant une valeur négligeable eu égard à celles qui nous arrivent fortuitement. Pourquoi en serait-il ainsi ? Nos choix se font en fonction de la satisfaction que nous espérons, consciemment ou non, en retirer que ce soit le plaisir maladif que prennent certains à la souffrance ou simplement l’orgueil pouvant résulter d’une démonstration de force, de volonté et de persévérance. Nous pouvons donc assumer qui se soumettent tiennent déjà leur récompense (Mt 6, 2.5).

Il en va tout autrement des épreuves qui arrivent de façon fortuite de la part d’individus ou d’événements hors de notre contrôle et qui suscitent d’ailleurs l’exaspération comme premier mouvement en nous. Cette exaspération, même contrôlée, constitue un indice de ce que nous avons à améliorer pour devenir meilleurs : la patience envers les autres, le détachement envers certaines choses… ou encore ce sont nos propres fautes qui nous irritent le plus lorsque nous les constatons chez les autres comme si nous devions en avoir la propriété exclusive. Heureuse exaspération qui nous révèle à nous-mêmes pour peu que nous y portions attention !

Le croyant a une raison additionnelle de se réjouir lorsqu’il est plongé malgré lui dans l’épreuve : c’est là un lieu de rencontre privilégié avec le Christ comme en ont fait l’expérience les disciples lors même de son existence terrestre. Un grand vent se mit à souffler, et le lac devint houleux. Les disciples avaient ramé pendant cinq mille mètres environ, lorsqu'ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de crainte. Mais il leur dit : «C'est moi. Soyez sans crainte »  (Jn 6, 18-20). Ainsi, le spirituel dans l’épreuve ne doit pas craindre car Jésus est là près de lui, invisiblement cette fois mais présent tout de même. C’est de cette certitude de la présence du Christ que les disciples tiraient leur joie des épreuves auxquelles ils étaient soumis : « Mais eux, en sortant du grand conseil, repartaient tout joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » (Ac 5, 41). La barque symbolisant dans l’esprit de plusieurs l’Église, nous ne devrions pas craindre lorsque celle-ci se trouve plongée dans la tourmente car le Christ est là présent à ses côtés.

Fort révélateur est le cheminement de Pierre que l’on voit dans un premier temps ne pas hésiter à mettre volontairement en péril sa vie pour défendre celle de Jésus sortant un glaive et en frappant le serviteur du grand prêtre, auquel il trancha l’oreille droite » (18, 10). Mais, à peine quelques heures plus tard, lorsque l’épreuve s’impose à lui et qu’on l’associe à Jésus qui semble avoir perdu tous ses pouvoirs, il n’hésite pas à le renier par trois fois. Après la résurrection, à la toute fin de l’Évangile de Jean, on voit Jésus demander par trois fois à Pierre : « M’aimes-tu ? » (Jn 21, 15-17) et Jésus de lui donner la clé sur la manière de lui démontrer cet amour à savoir de ne pas se dérober à l’épreuve qui survient et qu’il n’a pas choisie : « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. Ayant dit cela, il lui dit: "Suis-moi." » (Jn 21, 18-19), invitation que n’a pas décliné Pierre, plus tard, lorsqu’il est mort martyr, à l’exemple de son Maître mort sur la croix.