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Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui

Lucidité

 

Lucidité

 

La lucidité : un martyre permanent, un inimaginable tour de force.

 

  Emil Michel Cioran   (1911-1995) 

 

 

Ce qu’il peut être difficile, voire mortifiant, de se maintenir dans la vérité ! L’orgueil nous suggère constamment que nous sommes meilleurs ou les autres moins bons que ce que cela s’avère en réalité. Notre attrait pour la facilité nous incite à croire à des promesses de bonheur bon marché qui se révéleront désillusions quand viendra le temps de repayer ce qui n’était, de fait, qu’un emprunt au futur ou encore quand nous constaterons la nature éphémère de l’artificiel et de ce qui ne requiert que peu d’efforts pour  l’obtenir. Nous préférons accorder notre confiance aux politiciens qui font de belles promesses, en dépit de ce que nous doutions de leur réalisation effective, plutôt qu’à ceux qui osent suggérer qu’il nous faudra consentir à des sacrifices si nous voulons améliorer notre sort.

 

S’il est difficile de se maintenir dans la vérité dans l’ordre matériel, plus compliqué encore cela se révèle-t-il dans l’ordre spirituel en raison de son caractère intangible. « Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn 1, 18) aussi est-il tentant de s’en faire une image qui nous accommode. Nous avons  également tendance à ne considérer que sa Bonté infinie avec pour conséquence de nous croire tout permis et d’ignorer les exigences de sa Justice qui requiert la réciprocité, que nous accordions aux autres un traitement similaire à celui que nous demandons pour nous-mêmes : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et vous recevrez : une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous » (Lc 6, 36-38). Pure folie est-ce de se prétendre l’égal de Dieu et pourtant n’est-ce pas ce que nous faisons effectivement lorsque nous voulons décider par nous-mêmes de ce qui est bien ou mal à l’image d’Adam et Ève : « vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal » (Gn 3, 5) ? Illusion d’orgueil est-ce également pour le spirituel de croire faire de quelque chose pour Dieu « qui nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19) et envers lequel nous sommes redevables de tout ce que nous avons de sorte que nous ne faisons que rendre une parcelle de ce que nous avons reçu lorsque nous donnons à notre tour. N’est-ce pas également Lui par son Esprit qui féconde nos efforts et leur donne de porter le fruit attendu, mérite que nous avons tendance à vouloir nous approprier ? Comme le dit sœur Jeanne Bizier  pour situer notre contribution dans une juste perspective : « Serait-ce toi le sauveur du monde ? » (J.B., Ma mission de fondatrice…au service d’une Présence, p. 194), contribution qui, si infime soit-elle, manquerait cependant à l’océan (Mère Teresa) si nous négligions de l’apporter. Aussi est-ce un véritable tour de force pour le spirituel de se maintenir dans la Vérité en reconnaissant être rien, une quantité négligeable, et à la fois important aux yeux de Dieu, son rien attirant le Tout selon les paroles du Seigneur à Catherine de Sienne : « Fais-toi capacité et je me ferai Torrent ».

 

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