Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui

Pureté

 

Pureté

 

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

 

Matthieu 5, 8

 

 

Le billet de ce jour portera sur un article du P. Jacques Philippe paru dans le numéro 301 de la revue Feu et lumière en janvier 2011 intitulé Heureux les cœurs purs. Cet article dépasse la vision restreinte, limitée au domaine sexuel, que nous entretenons de la pureté en l’étendant à tout l’agir de l’homme.

 

Parler de pureté renvoie souvent à la sphère sexuelle. Elle a son importance bien sûr ; on voit aujourd'hui combien l'absence de pureté fait de la sexualité le règne de l'égoïsme et de la violence. Mais la notion est plus large. Le concept biblique de pureté, s'il est à l'origine une notion surtout rituelle, extérieure, est de plus en plus compris, grâce aux Prophètes, comme concernant le cœur, et en conséquence tout l'agir de l'homme. Il est associé à ceux de simplicité, de droiture, de sincérité.

 

Jésus affirme: « Il n'est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme! » (Mc 7, 15) Cette affirmation (que les disciples ont d'ailleurs du mal à comprendre !) a une portée bien plus large que la question des aliments purs ou impurs. Elle rappelle une chose essentielle : le véritable mal, ce qui détruit notre vie, ce n'est pas ce qui nous arrive de l'extérieur, les circonstances dans lesquelles nous sommes plongés, ce que nous subissons de la part de notre entourage, mais ce sont nos attitudes intérieures et les acres qui en découlent. Ce qui nous abîme, ce n'est pas le mal que nous subissons, mais celui que nous commettons. L’écrivain Christiane Singer (1943-2007) s'exprime ainsi : « Ce qui ruine nos âmes, ce n'est pas ce qui se passe au-dehors, mais l'écho que cela suscite en nous. » Autrement dit, ce qui nous fait véritablement du mal, ce n'est pas ce qui nous advient, les circonstances dont nous sommes victimes, ce que disent ou font les autres, mais c'est la manière négative dont nous réagissons : révoltes, inquiétudes, amertumes, rancunes, découragements, tristesses, repliements sur nous-mêmes ... La liste serait longue! Tout cela est finalement plus destructeur que ce que nous subissons (F & L 301 p. 8).

 

Le mal n’a d’emprise sur nous que dans la mesure où nous le laissons pénétrer notre cœur pour y répandre son venin. Nous pouvons avoir été offensés, quelqu’un peut avoir tenu des propos désobligeants à notre égard ou nous avoir causé un tort quelconque. Cependant, quelle que soit la nature de la faute, elle se produit normalement dans un temps délimité. C’est nous, en se la remémorant sans cesse, en cherchant réparation ou vengeance, qui en prolongeons l’effet bien au-delà de sa durée objective, voire même pour l’éternité si en laissant entrer la haine dans notre cœur nous nous coupons de Dieu qui est Amour et ne saurait cohabiter avec elle, mettant en péril nos aspirations à la vie éternelle.

 

Nous avons trop tendance à rester immatures, en considérant uniquement le mal que nous subissons, sans être suffisamment conscients des attitudes intérieures négatives qu'il suscite chez nous en retour ; à nous contenter de l’accusation, de la plainte, au lieu de nous atteler à notre propre conversion. Ce langage est exigeant, car il nous renvoie à notre responsabilité. Mais il est aussi libérateur : on ne peut pas toujours changer les circonstances, mais on peut se changer soi-même. Et l'on fait davantage évoluer les situations négatives en se convertissant soi-même, plutôt qu'en dénonçant les autres. (F & L 301 p. 10).

 

Le mal ressenti constitue souvent une opportunité de progression dans la vie spirituelle car il identifie les choses terrestres auxquelles nous sommes attachées et qui peuvent, de ce fait, nous séparer de Dieu car nul ne peut servir deux maîtres (Mt 6, 24). Si Thomas d’Aquin a pu dire à propos de la faute d’Adam : « Ô heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur !», ceux qui progressent dans la voie spirituelle, plutôt que de ruminer le mal subi doivent-ils être reconnaissants que soient mises en évidence les choses susceptibles d’entraver leur élan vers Dieu et s’écrier : «Ô heureuse faute qui me révèle à moi-même ! ». Il ne faut jamais oublier que Dieu, dans sa providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d’un mal, même moral, causé par ses créatures (CEC 312). Empêcher la graine du mal de s’installer dans le terreau de notre cœur et de s’y développer, demander à Dieu par la prière de nous libérer des attachements pouvant donner emprise au mal, c’est remporter la victoire, faire un pas de plus vers cette pureté de cœur qui mène à Dieu comme le dit Matthieu.

 

Soyons donc attentifs, lorsque nous vivons des situations de souffrance, à ne pas laisser entrer dans notre cœur les sentiments que j'ai évoqués plus haut. Pour accéder à la pureté du cœur, il faut être conscient des attitudes qui nous rendent en fait complices du mal extérieur, et font que celui-ci, de manière insidieuse, devient un mal intérieur, qui nous souille et nous détruit. Ne nous laissons pas conditionner par le mal auquel nous sommes confrontés.

La tendance à ruminer des amertumes, des plaintes, des accusations, nous rend en fait complices de ce que nous avons subi, l'entretient au lieu de nous en libérer. De même si nous nous décourageons à cause du mal auquel nous sommes confrontés, nous augmentons celui-ci au lieu de le diminuer.

 

Parfois aussi nous entretenons une sorte de fascination pour le mal, à vouloir toujours le mettre en lumière, le dénoncer, le déplorer. Il est bien sûr nécessaire, comme dit Paul, de dénoncer les œuvres des ténèbres (cf. Eph 5, 11). I1y a des silences complices. Catherine de Sienne accusera vigoureusement certains responsables d'Église d'être des « chiens muets ». Mais il ne s'agit pas non plus de tomber dans une complaisance, voire une joie mauvaise, à mettre en lumière la face sombre de toute institution, de toute personne. Cette tendance est forte aujourd’hui. Certains journalistes ne sont jamais aussi contents que quand ils ont sali la réputation de quelqu'un, montré les dessous louches de telle ou telle affaire. Mais cela finit par donner au mal plus de réalité qu'il n'en a en lui-même, et le rendre plus pesant. On finit par soupçonner toute chose et par ne plus percevoir ce qu'il y a de bon, de vrai, de désintéressé, et qui en fin de compte a plus de poids et de valeur. On devient ce que l'on contemple: trop considérer le mal finit par nous rendre mauvais. Or tout mal disparaîtra, seul le bien a valeur d'éternité. Seul l'amour demeure.

 

Il ne s'agit pas de faire l'autruche, d'ignorer la présence du mal, mais de relever ce grand défi qui consiste à garder un cœur pur dans un monde où le mal et la souffrance sont présents. Garder la certitude de la victoire ultime du bien et le courage pour aimer.

 

… Le contraire de la pureté du cœur n'est pas tant l'impureté au sens où nous l'entendons habituellement, que l'indécision. Cela rejoint le message des prophètes de l'Ancien Testament, qui opposent au cœur pur et droit du juste le cœur partagé, indécis de l'impie, de celui qui ne met pas toute sa confiance et son espoir en Dieu et qui n'est pas vraiment décidé à l'aimer. Dieu n'exige pas de nous un cœur immaculé, nous sommes de pauvres pécheurs, mais il attend de nous un cœur bien décidé à lui faire confiance et à l'aimer, quoi qu'il arrive.

 

Cette tendance à ne pas vouloir se mouiller, à ne pas prendre parti (pour Dieu) de peur d’indisposer, à suivre son petit bonhomme de chemin sans vouloir rien changer de peur de porter atteinte à la fortune qui nous a souri, elle est condamnée par l’apôtre Jean dans l’Apocalypse : «Je connais ta conduite: tu n'es ni froid ni chaud -- que n'es-tu l'un ou l'autre! -- Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. Tu t'imagines: me voilà riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien; mais tu ne le vois donc pas: c'est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu! Ceux que j'aime, je les semonce et les corrige. Allons! Un peu d'ardeur, et repens-toi! » (Ap 3, 15-17.19). Accepter le mal subi comme une correction venant de Dieu et une invitation à se détacher davantage du bien dont la perte nous a affectés, permet de sublimer le mal et de le transformer en bien à la ressemblance de Dieu. Aurons-nous le courage de nous décider pour Dieu, d’aspirer à la pureté du cœur ou, au contraire, resterons-nous fermement attachés au confort de notre vie présente et ferons-nous tout en notre possible, même accepter des compromis inacceptables, pour conserver ce que nous considérons comme des acquis (dont nous abstenir de faire quoi que ce soit qui puisse compromettre ceux-ci) ?  

 

 

Article précédent Article suivant
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article