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Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui

Relativisme

 

 

Relativisme

 

Il est effrayant de penser que cette chose qu'on a en soi, le jugement, n'est pas la justice. Le jugement, c'est le relatif. La justice, c'est l'absolu. Réfléchissez à la différence entre un juge et un juste.

 

  Victor Hugo    (1802-1885), L’Homme qui rit 

 

 

 

Notre opinion n’est pas la vérité mais notre perception, ou pire encore, notre interprétation de celle-ci. Plusieurs personnes assistent à un fait objectif, un accident. Les récits différeront selon l’angle de vision que chacun des témoins en aura eu, à preuve les différents angles de caméra nécessaires dans certains sports où l’on utilise la reprise vidéo pour réviser la pertinence de décisions controversées prises par des arbitres situés pourtant à proximité de l’action. Les observateurs s’aventureront-ils à commenter sur les causes probables de l’accident que les divergences entre les récits, issus pourtant d’une même réalité objective, s’accentueront.

 

Ainsi tendons-nous à confondre entre l’opinion et le fait, le jugement et la vérité. S’il y a variété d’opinions et de jugements, tous n’ont pas le même crédit, ceux qui se rapprochent le plus du fait historique, de la vérité objective, se voyant reconnaître une plus grande crédibilité. Cependant opinions et jugements demeureront toujours des perceptions si proches puissent-ils s’avérer être de la réalité, et, par conséquent,  ne pourront jamais se substituer à la réalité qu’ils prétendent décrire en raison de leur relativité.

 

Si nous ne pouvons nous fier à notre perception dans le monde matériel où nos yeux ont pourtant vu combien plus difficile est-ce d’avoir une juste idée d’un Dieu qui ne nous est accessible que par les yeux de la foi. Davantage difficile est-ce de déchiffrer sa volonté, ses attentes envers ses créatures.  Grande est la tentation de se former un Dieu à notre image : nous jugeons les autres, alors nous le voyons comme un Juge; nous n’aimons pas nous faire dicter notre conduite, nous l’imaginons complaisant…

 

Pour les chrétiens, fort heureusement, Dieu a pris forme humaine, a assumé la condition d’homme, en la personne de Jésus, sommet de la révélation qu’il avait faite de lui-même dans les siècles qui ont précédé via les prophètes. Dieu s’est révélé Amour, amour qui a conduit Jésus au sacrifice de la croix pour racheter les fautes des hommes et leur ouvrir les portes du Royaume éternel pour peu qu’ils confessent leur foi (leur dépendance de Dieu), reconnaissent leurs fautes et cherchent à mener une existence juste.

 

Certains prétendent que Jésus a mis fin aux exigences de la Loi et que les hommes seront jugés au terme de leur existence à l’aune de leur conscience individuelle. À prime abord, faut-il noter que Jésus lui-même dit : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité: avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera l'un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le Royaume des Cieux; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des Cieux » (Mt 5, 17-19). Ainsi, ne suffit-il plus de se conformer à la Loi, encore faut-il le faire par et avec amour. D’autre part, est-il plus facile de se conformer à la Loi car on ne le fait plus pour quelque chose qui serait étranger et externe mais mu par un feu interne qui est l’amour. D’autre part, la conscience individuelle deviendrait-elle la mesure de notre conduite, que ce serait là reconnaître qu’il n’y a pas qu’une seule Vérité qui est Dieu et sa Parole, mais qu’il y a autant de vérités que d’êtres humains, la conscience étant la perception de chacun de ce qui est juste, de ce qui est la volonté de Dieu. Vouloir se substituer à Dieu (et, par extension, à l’Église à laquelle Il a confié la mission de le représenter) n’est-ce pas là exactement la description du péché des origines ? « Le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal » (Gn 3, 5). Dieu, il est vrai préserve jalousement la liberté de l’homme de l’aimer ou non, de se conformer à ses préceptes ou non. Mais les choix effectués ne demeurent pas sans conséquences ainsi que l’affirme l’apôtre Paul : « "Tout m'est permis"; mais tout n'est pas profitable. "Tout m'est permis"; mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien » (1 Co 6, 12).

 

Plus subtile se veut la tentation du relativisme qui consiste à se demander : « Comment Jésus agirait-il aujourd’hui, s’il était confronté à ce problème ? ». S’il est vrai que le chrétien doit s’efforcer d’imiter le Christ, le Verbe de Dieu, la réponse donnée variera selon chaque individu parce qu’elle est une opinion personnelle de la manière dont Jésus aurait agi et n’est conséquemment qu’un indice de ce qui est la vérité, et non la Vérité elle-même. De plus, si Jésus a fait preuve d’empathie envers les pécheurs de tout acabit et leur a remis leurs fautes, plusieurs ont tendance à oublier qu’il n’a jamais approuvé leur conduite, l’apôtre Jean mentionnant même à deux reprises qu’il les incitait à changer de comportement qu’il s’agisse de la femme adultère : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11) ou du paralytique où l’avertissement est on ne peut plus clair : « Te voilà guéri; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive pire encore » (Jn 5, 14).

 

Ce que la venue de Jésus a changé dans la relation de l’homme avec Dieu est que celle-ci est passée de la servitude à liberté de l’amour : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître » (Jn 15, 15). On ne peut en effet aimer adéquatement de que l’on connaît peu ou mal. L’amitié n’est pas cependant sans exigences : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande »  (Jn 15, 14). Qui se dit chrétien, donc ami de Jésus, ne peut agir à sa guise, comme bon lui semble, sans altérer sa relation avec Lui.

 

Comme le constatait Benoît XVI le 18 avril 2005, l'on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. La satisfaction personnelle est bien ce qui est en cause ici. L’esprit de l’homme trouvera toujours une justification à sa conduite aussi inexcusable puisse-t-elle objectivement être par exemple s’en prendre à autrui sous prétexte qu’il représente une menace et qu’il est préférable d’attaquer le premier avant qu’il ne le fasse. En l’absence de règles de conduite inaliénables, tout, sans restriction, devient permis ou presque.

 

Pour ceux qui désirent référer à l’Écriture sainte en matière de morale, le livre Bible et morale, quels critères pour discerner ? publié en 2009 par la Commission Biblique Pontificale se veut un excellent guide pour soutenir la démarche de celui qui cherche des balises dans les écrits sacrés lui permettant d’adopter une conduite conforme à la volonté divine. Le livre propose, entre autres choses, des critères méthodologiques qui tiennent compte à la fois des contenus théologiques, de la complexité de la composition littéraire et enfin de la dimension canonique. À ce propos il tient compte tout particulièrement de la relecture que le Nouveau Testament fait de l’Ancien, en appliquant aussi rigoureusement que possible les catégories de continuité, discontinuité et progression qui marquent les relations entre les deux Testaments. Pour éclairer autant que faire se peut, à partir de l’Écriture, les choix moraux difficiles le livre distingue deux critères fondamentaux :

-          Conformité à la vision biblique de l’être humain

-          Conformité à l’exemple de Jésus

et six autres critères plus spécifiques :

-          Convergence : ouverture aux diverses cultures et donc un certain universalisme éthique

-          Opposition : une prise de position ferme contre les valeurs incompatibles

-          Progression : un processus d’affinement de la conscience morale, observable à l’intérieur de chacun des deux Testaments et surtout de l’un à l’autre

-          Dimension communautaire : rectification de la tendance à reléguer les décisions morales dans la seule sphère subjective, individuelle

-          Finalité : une ouverture à un absolu du monde et de l’histoire, susceptible de marquer en profondeur le but et la motivation de l’agir moral

-          Discernement : une détermination fine, selon les cas, de la valeur relative ou absolue des principes et préceptes moraux de l’Écriture.

 

 

Certains disent que l’Église peut se tromper et donnent comme exemple le cas de Galilée. S’il est vrai que l’Église a eu tort de condamner Galilée, ce qu’elle  a elle-même reconnu par l’entremise du pape Jean-Paul II, il faut néanmoins noter que c’est parce qu’elle s’est aventurée à donner une opinion dans un domaine, le scientifique, qui n’est pas de son ressort. De même, si l’Inquisition pouvait condamner certaines opinions erronées, elle outrepassait le mandat confié par le Christ à ses disciples en faisant subir des sévices et en conduisant à la mort ceux qui avaient une pensée divergente, un tel comportement étant contraire à liberté que Dieu laisse à l’homme ainsi qu’à son commandement d’amour. Un observateur attentif remarquera que l’Église est beaucoup plus prudente de nos jours et, si elle condamne certains comportements et en suggère d’autres plus conformes au message évangélique, elle se garde bien, notamment dans le domaine économique, de mettre de l’avant un modèle précis.  L’Église pourrait-elle effectivement se tromper sur un point de foi ou de morale (même si je ne crois pas que cela puisse se produire, ainsi que le proclame le dogme de l’infaillibilité papale, parce qu’institution divine soumise à l’Esprit de Dieu), il serait plus agréable à Dieu de voir le fidèle obéir humblement à l’autorité et ainsi préserver l’unité que de la contester.

 

Il arrive que l’Église excommunie l’un de ses membres, qu’elle lui refuse l’accès à la communion fraternelle. Beaucoup interprètent un tel acte comme un geste d’exclusion contraire à la charité prônée par Jésus. Ce n’est jamais de gaieté de cœur que l’Église pose une telle action et si elle le fait ce n’est pas pour punir mais par sollicitude pour le membre en faute qui refuse d’amender sa conduite, de peur qu’en lui permettant de participer à la communion il n’aggrave son état à l’instar de Judas dont le sort s’est scellé au moment où il a décidé de partager le repas de la dernière cène alors qu’il n’était pas dans des dispositions pour le faire : « Après la bouchée, alors Satan entra en lui » (Jn 13, 27). Aussi excellent que puisse se révéler un remède, il n’est pas approprié que le médecin l’administre au malade qui y est allergique. Les personnes qui ne peuvent communier ne sont pas oubliées de Dieu. Je me souviens notamment d’avoir lu le témoignage d’une dame dans cette situation qui allait à la messe tout en respectant l’interdiction qui lui était faite, malgré la douleur qu’elle en ressentait, et qui disait avoir été gratifiée malgré tout de grâces et de consolations lors des célébrations.

  

 

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