Méditations sur les enseignements bibliques pour le quotidien d'aujourd'hui
5 Août 2010 Pensées
Servitude
Le peuple est le même partout. Quand on dore ses fers, il ne hait pas la servitude.
– Napoléon Bonaparte (1769-1821)
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Il n’y a pas pire servitude que celle dont nous n’avons pas conscience car il y a bien peu de chances que nous nous en échappions un jour puisque nous ne ferons rien en ce sens tant que nous ne réaliserons pas notre état et que, si cela vient à survenir, il nous sera bien difficile alors de s’arracher à une situation dont nous avons pris habitude. Ce dernier cas est illustré dans la bible par le peuple juif qui, à peine sorti d’Égypte se met à regretter le temps où il vivait en esclavage car il pouvait alors manger à sa faim : « Que ne sommes-nous morts de la main de Yahvé au pays d'Égypte, quand nous étions assis auprès de la marmite de viande et mangions du pain à satiété! À coup sûr, vous nous avez amenés dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude » (Ex 16, 3). Dieu donne-t-il à son peuple la manne pour se nourrir qu’il n’en trouve pas moins de motifs de regretter son ancien état : « Qui nous donnera de la viande à manger? Ah! quel souvenir! le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, les concombres, les melons, les laitues, les oignons et l'ail! Maintenant nous dépérissons, privés de tout; nos yeux ne voient plus que de la manne! » (Nb 11, 4-6).
Souhaitons-nous savoir ce qui nous asservit ? Il n’y a qu’à regarder ce dont la perte partielle ou momentanée nous irrite. Un autre indice réside dans les comportements que nous savons inadéquats mais dont nous minimisons la portée les qualifiant par exemple de « péchés mignons », faiblesses qui n’ont de « mignon » que le nom et qui tiennent bien fermement sous leur emprise ceux qui ont eu l’imprudence de les laisser s’incruster dans leurs habitudes.
Jean de la Croix illustre dans la montée du Carmel les dommages considérables causés à l’âme par des attachements en apparence bénins : « Qu'importe qu'un oiseau soit attaché d'un fil mince ou d'une corde ? Car, pour fin que soit le fil, l'oiseau y demeurera attaché comme à la corde, tant qu'il ne le brisera pas pour voler. Il est vrai que le fil est plus facile à rompre; mais pour facile que ce soit, s'il ne le rompt, il ne volera pas. Ainsi en est-il de l'âme qui s'est liée à quelque chose, malgré toutes ses vertus, elle ne parviendra jamais à la liberté de l'union divine. Car l'appétit et l'attachement de l'âme ont une propriété semblable à celle qu'on attribue au rémora à l'égard du navire ; bien que poisson très petit, si d'aventure il s'attache à un navire, il l'arrête tellement qu'il ne peut arriver au port ni naviguer. Véritablement, c'est une chose déplorable de voir des âmes chargées, comme de grands navires, de richesses, d'œuvres et d'exercices spirituels, de vertus et faveurs que Dieu leur fait, et qui, pour n'avoir pas le courage d'en finir avec un petit plaisir, un attachement ou une affection (car c'est tout un), ne vont jamais de l'avant ni n'arrivent au port de la perfection, alors qu'il ne leur fallait qu'une bonne envolée, et achever de rompre ce fil d'attachement, ou ôter ce collant rémora de l'appétit » (1MC 11,4).